Dans un document de politique générale sur "la sélection et la hiérarchisation des affaires", Fatou Bensouda affirme que son bureau "s'intéressera particulièrement" aux crimes impliquant ou entraînant "des ravages écologiques, l'exploitation illicite de ressources naturelles ou l'expropriation illicite de terrains".
Cette décision historique a été saluée par les militants de droits de l'Homme et les écologistes, qui assurent qu'elle pourrait devenir un important moyen de dissuasion pour les milieux d'affaires concernés et les politiques corrompus.
A travers le monde, l'indignation ne cesse de croître au sujet de ces communautés rurales expulsées de leurs terres, qui sont ensuite revendues à des sociétés agricoles ou minières, notamment.
Selon l'ONG Global Witness, des millions de personnes ont été expulsées de leurs terres à travers le monde et la décision de la procureure "montre que l'époque de l'impunité est terminée", a affirmé sa directrice Gillian Caldwell.
"Les présidents-généraux et les politiciens complices des accaparements violents de terres, de la destruction des forêts tropicales ou de l'empoisonnement de sources d'eau potable pourraient se retrouver à La Haye, en compagnie de criminels de guerre et de dictateurs", a-t-elle ajouté.
Helen Brady, du bureau du procureur, a précisé à l'AFP qu'il ne s'agit pas "d'ajouter de nouveaux crimes" à ceux déjà listés dans le traité fondateur de la CPI, le Statut de Rome.
"Ce que nous reconnaissons, c'est une nouvelle emphase sur ces crimes", a-t-elle ajouté, affirmant que cette décision "transforme la CPI en véritable tribunal international du 21e siècle".
"Elle envoie un message puissant" qui pourrait être entendu par les "aspirants coupables".
Basée à La Haye, la CPI, premier tribunal international permanent chargé de juger les crimes de guerre, crimes contre l'humanité et génocides, s'est pour le moment concentrée sur des conflits complexes, surtout en Afrique.
Mais le Statut de Rome prévoit également des crimes qui peuvent être commis en temps de paix, assure Mme Brady.
Des avocats ont déjà envoyé un dossier au procureur, lui demandant d'ouvrir une enquête au Cambodge.
Le gouvernement cambodgien est très critiqué pour ses accords avec des groupes étrangers - notamment chinois - pour exploiter ses terres avec des plantations de canne à sucre, d'hévéas, ou des barrages hydroélectriques. Selon les organisations de militants des droits de la terre, cela passe souvent par la spoliation des terres aux communautés rurales.
Selon l'un de ces avocats, Richard Rogers, quelque 850.000 personnes, soit environ 5% de la population cambodgienne, ont été victimes de ces accaparements depuis l'an 2000.
La décision de la CPI va "envoyer un messages à toutes ces +kleptocracies+ à travers le monde qui sont restées ignorées pendant si longtemps", a-t-il affirmé.
Avec AFP