Accueilli au Sénégal depuis le 15 janvier à la demande de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao), qui craignait pour lui tant que M. Jammeh était en place, M. Barrow différait jusque là sine die son retour, invoquant des inquiétudes persistantes pour sa sécurité.
La Gambie, petit pays anglophone totalement enclavé dans le Sénégal, à l'exception d'une étroite façade côtière prisée des touristes, a été dirigée d'une main de fer pendant 22 ans par Yahya Jammeh, un ancien militaire.
D'abord annoncée pour jeudi à 16H00 (locales et GMT) sur un compte Facebook au nom de M. Barrow, cette arrivée a d'abord été confirmée à l'AFP à Dakar par une source à la présidence sénégalaise puis par son conseiller Mai Fatty, présent avec lui au Sénégal.
Elle ensuite été corroborée à Banjul par une responsable de la coalition qui a porté M. Barrow au pouvoir lors du scrutin présidentiel du 1er décembre et son porte-parole en Gambie, Halifa Sallah.
Elu face à Yahya Jammeh - qui avait initialement reconnu sa défaite avant de se raviser le 9 décembre, un revirement qui a déclenché la crise - Adama Barrow a prêté serment le 19 janvier à l'ambassade de Gambie à Dakar, peu avant le lancement d'une opération de la Cédéao pour forcer au départ M. Jammeh.
Depuis, il n'est plus apparu, ni ne s'est exprimé en public ni adressé directement à son peuple, à part une série d'interviews accordées à des médias locaux et internationaux à Dakar.
Dans un premier temps, M. Barrow "résidera chez lui jusqu'à nouvel ordre" plutôt qu'à la présidence, où la force de la Cédéao, sous commandement sénégalais, a installé son état-major, a indiqué à la presse mercredi son porte-parole.
Réforme de l'appareil de sécurité
Les attentes et les défis s'annoncent immenses, à commencer par la mise en place d'une administration, qui semblait mal engagée, la vice-présidente choisie par M. Barrow, Fatoumata Jallow Tambajang, étant en principe atteinte par une limite d'âge constitutionnelle.
Le président "est en train d'examiner cette question", a affirmé M. Sallah, sans autre précision.
Parmi les premières priorités, figure la réforme des forces de sécurité, a-t-il ajouté.
Le nouveau chef de l'Etat a demandé la poursuite de l'opération militaire de la Cédéao, malgré le départ de Yahya Jammeh, accueilli par la Guinée équatoriale.
"Le président Adama Barrow nous a demandé deux ou trois semaines pour que nous puissions étudier s'il y a des stocks d'armes quelque part. Et s'il y a des mercenaires cachés quelque part", a déclaré le président de la Commission de la Cédéao Marcel Alain de Souza.
M. Barrow a également demandé aux forces de la Cédéao de rester six mois dans le pays, une décision qui appartiendra aux responsables militaires de la Cédéao, a souligné M. de Souza.
"C'est bien qu'il vienne maintenant", a déclaré à l'AFP Mamadou Ba, un résident de Banjul, approuvant le choix du nouveau président de "s'appuyer sur les forces de la Cédéao parce qu'on ne sait pas qui lui est fidèle" parmi les services de sécurité.
Signe des tensions latentes, le jour du départ de Yahya Jammeh, sept personnes, dont un enfant, qui célébraient l'événement dans un village au sud-est de la capitale ont été légèrement blessées par des partisans de l'ex-président armés de machettes, de coutelas et de chaînes de vélo, ont affirmé des habitants à l'AFP mercredi.
Les assaillants étaient des Diolas, comme M. Jammeh, et les victimes des Mandingues, la communauté de M. Barrow, la plus importante du pays (plus d'un tiers de la population), a indiqué un des habitants du village de Foni Bajana, soulignant le potentiel caractère ethnique de ces violences.
Depuis le départ de M. Jammeh, desmilliers de personnes qui avaient fui le pays par crainte de troubles ou de combats sont revenues en Gambie, avant même l'annonce du retour de M. Barrow.
Avec AFP