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Centrafrique : le retour de l'armée nationale, un sujet explosif


La police centrafricaine sécurise les lieux avant l'arrivée du pape François à Bangui, le 29 novembre 2015. (AP Photo/Jerome Delay)
La police centrafricaine sécurise les lieux avant l'arrivée du pape François à Bangui, le 29 novembre 2015. (AP Photo/Jerome Delay)

La réapparition de l'armée centrafricaine - accusée de graves exactions et mise sur la touche durant les violences de ces trois dernières années - suscite des inquiétudes à Bangui.

Contrôles aux carrefours stratégiques, patrouilles nocturnes: la réapparition depuis quelques semaines de l'armée centrafricaine - accusée de graves exactions et mise sur la touche durant les violences de ces trois dernières années - suscite inquiétudes et interrogations à Bangui.

Aux abords du PK-5, l'enclave musulmane de Bangui qui a été longtemps le théâtre de violences sanglantes, le caporal Hilaire arrête tous les motos taxis. "On contrôle pour voir s'ils transportent des grenades ou des munitions" explique dans un français approximatif le sous-officier à la tenue dépenaillée, un fusil artisanal en bandoulière.

Il y a encore peu, ce "poste avancé" aujourd'hui gardé par les "Faca", les Forces armées centrafricaines, était occupé par des miliciens anti-balaka qui n'hésitaient pas à racketter les habitants en échange d'un semblant de protection.

"Maintenant qu'on est là, les gens n'ont plus peur de sortir, les commerçants musulmans peuvent aller en ville et les chrétiens font leurs courses au PK-5", assure le caporal.

Cette présence sur le terrain était inimaginable il y a encore un an. Lorsque le pays a sombré dans le chaos en mars 2013, les Faca, désorganisées, mal formées et exsangues ont été incapables de résister aux rebelles Séléka qui ont marché sur Bangui.

Au plus fort des violences intercommunautaires qui ont suivi, les Faca - 7.000 à 8.000 hommes -, ont souvent été accusés de troquer l'uniforme contre la machette.

Embargo sur les armes

Depuis lors, ils restent cantonnés - en théorie du moins - dans les camps militaires de la capitale. La charge d'assurer la sécurité revient presque exclusivement aux forces internationales, c'est-à-dire les Français de Sangaris (900 hommes actuellement) et 10.000 Casques bleus, dont les patrouilles intègrent parfois des éléments de la police et de la gendarmerie centrafricaines.

Le Conseil de sécurité de l'ONU a décrété un embargo sur les armes et l'instruction militaire à destination de la Centrafrique, qui vient d'être prolongé jusqu'à début 2017, estimant que la priorité allait au rétablissement de l'Etat dans ce pays ravagé.

Après des mois de reports et d'atermoiements, les autorités de transition soutenues à bout de bras par la communauté internationale viennent d'organiser le second tour de l'élection présidentielle dont les résultats sont toujours attendus.

La mise à l'écart de l'armée nationale est régulièrement critiquée à Bangui, dans les journaux, mais aussi par des habitants persuadés que leurs soldats sont capables ramener la sécurité là où les forces internationales "ne font rien".

Pour le ministre de la Défense, Joseph Bindoumi, qui a personnellement impulsé le retour sur le terrain des soldats et plaide pour une levée totale de l'embargo, "la réhabilitation des Faca est nécessaire".

"Quel pays n'a pas d'armée? On a présenté les Faca comme des barbares, mais ça n'existe pas une armée propre", affirme-t-il à l'AFP: "Si vous avez 7.000 hommes et que vous ne vous en servez pas, que vont-ils faire?".

Un retour "dangereux"

Dans les milieux diplomatiques, cette décision unilatérale inquiète. "C'est trop tôt, les conditions d'une armée professionnelle et équilibrée sur le plan ethnique ne sont pas réunies", affirme le chef de la mission de l'ONU en Centrafrique, le Gabonais Parfait Onanga-Anyanga, selon qui un "déploiement opérationnel des Faca n'est pas souhaitable pour l'instant".

Une source militaire française ne dit pas autre chose: "laisser les Faca livrés à eux-mêmes dans la rue, sans véritable chaîne de commandement est dangereux, ça revient à créer des milices de quartiers", les soldats étant affectés dans leurs propres quartiers.

Une mission de l'Union européenne "EUMAM RCA" - 70 militaires - a été envoyée à Bangui pour conseiller les autorités sur ce dossier vital. Les officiers européens fourniront également leur expertise sur "les conditions d'un programme de formation" mais rien n'est encore acté.

"Il faut construire cette armée pierre par pierre", juge un expert en sécurité, soulignant qu'"on part de zéro: l'armée n'a aucun budget, très peu d'armes, les archives et dossiers ont été détruits, même pour trouver des tenues c'est compliqué".

Pour cette source, "un tri préalable est indispensable car beaucoup sont juste dans l'armée pour percevoir leurs soldes".

La dimension ethnique ne devra pas être négligée face à une armée prétorienne, composée de soldats originaires des même régions que les présidents qui se sont succédé à la tête du pays - à l'heure actuelle ce sont surtout des Gbaya, l'ethnie de l'ex-président Bozizé renversé en 2013.

Une fois le gouvernement installé, estime Parfait Onanga-Anyanga, "les Faca peuvent constituer le vrai défi post-électoral pour ce pays".

AFP

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