"J'aurai tout fait pour que la paix soit préservée dans notre pays", s'excusait récemment, dans un grand aveu d'impuissance, le président Michel Kafando.
Et l'ancien diplomate d'appeler "au sens des responsabilités de tous" pour "sauver le Burkina du désordre et du chaos".
Depuis plus de quinze jours, ce pays sahélien très pauvre, où Blaise Compaoré a été chassé par la rue en octobre dernier après 27 ans de pouvoir, peine à sortir d'une grave crise autour du Régiment de sécurité présidentielle (RSP).
Ce corps d'élite, qui fut le bras armé de l'ex-président, exige le limogeage du Premier ministre, le lieutenant-colonel Isaac Zida, qui est pourtant son numéro deux.
Le gouvernement affirme qu'un complot contre M. Zida, fomenté par des membres du RSP, a été déjoué le 28 juin. Mais des officiers du régiment - qui, pour beaucoup, taxent d'"opportunisme" celui qui a réussi à se hisser au sommet de l'Etat - accusent le chef du gouvernement d'avoir monté "un faux complot" pour "se maintenir au pouvoir".
Le Premier ministre et le président Michel Kafando devront rendre les rênes du pays au nouvel exécutif issu de la présidentielle prévue le 11 octobre, qui bouclera cette délicate période de "transition".
"Une tentative de coup d'Etat est en cours de perpétration dans notre pays", ont alerté des organisations de la société civile.
"La crise RSP-Zida qu'on tente de nous vendre est un paravent d'une tentative de restauration de l'ancien régime", ont-elles tonné, exigeant "la dissolution pure et simple" du RSP.
Téléguidée ou non par l'ancien chef de l'Etat aujourd'hui en exil, la fronde contre Isaac Zida est réelle. Et dépasse le seul RSP.
Les chefs militaires ont demandé au président Kafando de former un gouvernement composé de civils. Ce qui signifierait l'éviction du Premier ministre, qu'ils critiquent vivement.
Isaac Zida, également ministre de la Défense, est notamment vilipendé pour avoir fait passer en juin une réforme du code militaire permettant "à titre exceptionnel" la promotion d'un lieutenant-colonel au rang de général.
"Nous avons eu des militaires qui ont été chefs d'Etat dans ce pays. Aucun ne s'est octroyé un quelconque grade", s'étrangle un haut gradé de l'état-major, interrogé par l'AFP.
Le report de l'âge de départ en retraite des militaires n'est guère plus apprécié.
Pour résoudre la crise, le RSP, via l'un de ses hauts gradés, dit "s'en être remis totalement au président Kafando".
"Maintenant, s'il ne prend pas les bonnes décisions ou prend trop de temps, nous serons obligés de nous retirer et laisser les soldats faire. Parce qu'on ne va pas les calmer indéfiniment", prévient-il.
L'"appel au secours" de Michel Kafando, selon l'expression de l'analyste Siaka Coulibaly, est en ce sens un mauvais présage.
D'autant que le pouvoir vient de subir un deuxième coup de semonce: la justice ouest-africaine a invalidé le nouveau code électoral.
Ce code interdisait toute participation aux scrutins d'octobre prochain à ceux qui avaient soutenu la révision constitutionnelle voulue par M. Compaoré pour rester au pouvoir, et qui a finalement provoqué un soulèvement fatal à son régime.
Il y a eu "beaucoup d'amateurisme gouvernemental", amplifié par de nombreuses "interférences" de la société civile, concède Abdoulaye Soma, conseiller spécial du Premier ministre.
Des "aménagements" du code électoral conformes aux attentes de la justice régionale ont été promis par Mamadou Savadogo, l'avocat du Burkina.
Il n'en reste pas moins qu'une lourde incertitude demeure. L'ancien parti présidentiel vient ainsi de désigner son champion, Eddie Komboïgo, mais ne sait pas s'il pourra concourir.
Quant à Djibrill Bassolé, qui fut le chef de la diplomatie de l'ex-président, une révision du code militaire rend sa participation à la présidentielle hypothétique.
Pour parvenir à un apaisement général, le président Kafando a désigné un conseil des "sages".
Le candidat Ablassé Ouédraogo se veut cependant confiant: "on peut avoir des agitations çà et là. Mais la maturité politique du peuple burkinabè nous permettra d'aller jusqu'au bout de la transition avec des élections propres et transparentes".
Et cet ancien ministre de M. Compaoré devenu opposant d'ajouter: "personne n'est prêt à aller au chaos". (Avec AFP).