Le chef touareg de l'importante tribu des Ifoghas a appelé dimanche l'Etat malien à engager des négociations avec les jihadistes de ce pays afin d'isoler les jihadistes étrangers, au cours d'un entretien avec l'AFP.
L'Amenokal (chef élu par les sages), Mohamed Ag Intalla, dont Kidal, dans le nord-est du Mali, est le fief, a appelé à "aller vite" dans la recherche d'une solution contre le jihadisme, car selon lui, les jihadistes maliens, qui au départ étaient minoritaires, sont aujourd'hui, "les plus nombreux" de cette mouvance dans le pays.
"Il faut engager des discussions avec les jihadistes maliens. En retour, ils vont aider le Mali à se débarrasser des jihadistes venus d'ailleurs. C'est mieux ainsi", a déclaré M. Ag Intalla, par ailleurs député du parti au pouvoir à l'Assemblée nationale.
"Les Américains ont été obligés de parler discrètement avec les talibans (en Afghanistan), les Algériens ont discuté avec les islamistes. Nous, pour avoir la paix définitive, nous devons parler avec les jihadistes maliens, leur dire que ce qu'ils font n'a rien à voir avec l'islam", a-t-il ajouté.
"Ceux qui disent qu'il faut appliquer la charia, couper des mains, il faut qu'on leur prouve par la discussion qu'ils sont dépassés", a-t-il ajouté, dans une possible allusion au chef touareg du groupe jihadiste malien Ansar Dine, allié d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), Iyad Ag Ghaly, qui appartient à la même tribu, où à ses partisans.
Le président Ibrahim Boubacar Keïta a exclu de négocier avec Iyad Ag Ghaly, mais au sein du gouvernement, certains responsables se disent ouverts à un dialogue avec les jihadistes qui n'auraient "pas de sang sur les mains".
Lors d'une visite du Premier ministre français Manuel Valls et de son ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian au Mali en février, un haut responsable français sous le couvert de l'anonymat avait rejeté l'idée de toute discussion avec Iyad Ag Ghaly, qualifié d'"ennemi de la paix".
Le nord du Mali était tombé en mars-avril 2012 sous la coupe de groupes jihadistes liés à Al-Qaïda, après la déroute de l'armée face à la rébellion à dominante touareg, d'abord alliée à ces groupes qui l'ont ensuite évincée.
Les jihadistes ont été dispersés et en grande partie chassés par une intervention internationale déclenchée en janvier 2013 à l'initiative de la France, et qui se poursuit actuellement.
Mais des zones entières échappent encore au contrôle des forces maliennes et étrangères, malgré la signature en mai-juin 2015 d'un accord de paix entre le gouvernement, les groupes pro-Bamako, et l'ex-rébellion, censé isoler définitivement les jihadistes.
AFP