Samedi, des dizaines d'hommes se sont installés dans le Malheur National Wildlife Refuge, en soutien à Dwight Hammond et son fils Steven, des éleveurs écroués pour avoir endommagé des terres fédérales en mettant le feu il y a plus d'une dizaine d'années à leur propre ranch familial.
Les deux hommes ont été condamnés en 2012 mais en octobre dernier un jury a prononcé une peine de cinq ans d'emprisonnement, soulevant l'ire de leurs proches mais aussi d'activistes farouchement opposés au contrôle de l'Etat fédéral sur leurs terres et nourris aux théories conspirationnistes:
Quelle est l'origine de cette contestation?
Ce mouvement s'inscrit dans le débat américain sur les prérogatives de l'Etat fédéral face aux administrations locales, incarné peu après l'entrée en vigueur de la Constitution de 1789 par la "révolte du Whisky". A l'époque, le gouvernement, endetté par la guerre d'indépendance, augmente les taxes sur l'alcool dont le whisky, une mesure violemment dénoncée par des commerçants qui s'opposent à la trop grande autorité, selon eux, du pouvoir fédéral.
Deux siècles plus tard, à la fin des années 60, des partisans de la suprématie blanche opposés au mouvement des droits civiques, et donc à la lutte contre la ségrégation raciale, se liguent sous la bannière du "Posse comitatus" - ou Autorité du comté - fondé justement en Oregon. Pour ses adhérents, le comté est le niveau ultime de l'autorité politique. Le gouvernement fédéral, défenseur des minorités et percepteur des impôts, est perçu comme une force d'occupation étrangère. D'autant plus étrangère selon certains, qu'elle serait entre les mains d'éléments socialistes, voire d'un "lobby israélite", antagonistes à une Amérique chrétienne. Dans les années 70, le Congrès américain adopte des lois pour reprendre le contrôle de terres dans l'ouest du pays, ce qui irrite entre autres des agriculteurs qui vont progressivement joindre les rangs de ce mouvement qui servira de vivier à des milices armées.
Quelle en est l'influence religieuse ?
Le pan religieux de ce nouvel extrémisme s'incarne à Waco, au Texas, en 1993, lorsque des membres d'une secte adventiste recherchés pour port d'arme illégal, se retranchent pendant 51 jours dans leur centre avant que les autorités ne donnent l'assaut au gaz. Mais le gaz s'embrase pour tuer 76 personnes. Les événements galvanisent la droite américaine et inspirent Timothy McVeigh qui se vengera deux ans plus tard en perpétrant un attentat au camion piégé contre un complexe gouvernemental d'Oklahoma City. Bilan: 168 morts. L'attaque "intérieure" la plus violente de l'histoire des Etats-Unis.
Une contestation agricole ?
Le pan agricole du "Posse comitatus" trouve quant à lui écho avec fracas en 2014 lors d'une confrontation au Nevada entre policiers et miliciens sous la houlette de Cliven Bundy, un propriétaire de ranch refusant de payer plus d'un million de dollars en droits de pâturage impayés depuis deux décennies. Si en Afrique, l'accès à l'eau et le pâturage opposent des clans ou tribus, dans le cas de l'affaire Bundy c'est la prétention d'un citoyen à la propriété terrienne qui entre en conflit avec le gouvernement fédéral. Aujourd'hui, en Oregon, des membres de la famille Bundy font d'ailleurs partie des miliciens occupant le Malheur National Wildlife Refuge.
Combien y a-t-il de miliciens aux Etats-Unis?
Selon le Southern Poverty Law center (SLC), un organisme à but non lucratif, l'affaire Bundy a "tonifié une mouvance extrémiste revigorée par l'élection de Barack Obama", pour passer de 150 groupes en 2009 à plus de 1.000 aujourd'hui. Ces groupes se disent de fiers "patriotes", hostiles au gouvernement fédéral mais se revendiquant de certains articles de la Constitution, notamment sur le port d'armes. Le nombre précis de leurs membres et, de surcroît, de leurs partisans, demeure difficile à établir. Cette mouvance milicienne pourrait toutefois encore gagner en popularité chez les électeurs de la droite, conservatrice ou libertarienne, dans la foulée de nouvelles mesures attendues par l'administration Obama pour encadrer le port d'armes.
Avec AFP