Du "changement", le mot est systématique chez les passants interrogés. "On va voter pour du changement, il faut améliorer le pays et réduire la pauvreté", estime Josephina Shitotoka, employée de la Société nationale des eaux âgée de 43 ans. Ses deux filles, de 21 et 17 ans, demeurent sans emploi, à l'image de la jeunesse namibienne, condamnée pour beaucoup au chômage: 46% des 15-34 ans selon les derniers chiffres diffusés en 2018, avant la pandémie de Covid, dévastatrice pour l'emploi.
"Il y a énormément de corruption, si on ne connaît pas la bonne personne, on n'a pas de travail", affirme cette mère de famille qui reste toutefois fidèle au parti au pouvoir, la Swapo, et fonde des espoirs sur sa candidate Netumbo Nandi-Ndaitwah. Figure historique de la Swapo, qui dirige le pays depuis l'indépendance, "NNN" peut devenir la première femme présidente du pays. "Elle va gagner et changer les choses", veut croire Josephina Shitotoka. Toute nouvelle électrice, Thabang Mosenedi, 19 ans, ne souhaite pas donner sa préférence pour ce scrutin où, pour la première fois de l'histoire du pays, la Swapo pourrait être contrainte à un second tour. "Tant qu'il y a du changement dans le pays, ça me va. Beaucoup de gens se plaignent qu'il n'y a pas d'emplois et que le gouvernement ne fait rien pour résoudre le problème", observe toutefois l'étudiante.
Une forme de ras-le-bol a détourné une part incertaine d'électeurs de la Swapo, parti issu du mouvement de libération du pays. Mikka Joseph, responsable d'un syndicat d'employés de sécurité, est de ceux-là: "J'étais membre de la Swapo mais je suis parti à cause de la corruption en 2019". L'année où a éclaté le scandale dit "Fishrot", une affaire de commissions sur des quotas de pêche, dans laquelle deux anciens ministres sont impliqués. Si cet homme de 43 ans est devenu membre du parti des patriotes indépendants (IPC) fondé par le principal opposant Panduleni Itula, c'est que "le pays a besoin de changement", professe-t-il, comme une nation semblant à l'unisson.
En plus du chômage, la Namibie est déchirée par des inégalités béantes. Ce territoire désertique, pauvre en eau mais riche en minerai, demeure 34 ans après l'indépendance le deuxième pays le plus inégalitaire de la planète, derrière son ancien occupant, l'Afrique du Sud, d'après la Banque mondiale. "Comment sont utilisées les ressources ?", interroge Bonny Tjirongo, retraité de 61 ans. "Elles devraient bénéficier à tous les Namibiens et permettre d'essayer d'éradiquer la pauvreté". L'économie du pays est "duale", d'après la Banque mondiale, scindée entre un "secteur moderne très développé" et un "secteur informel de subsistance". Une réalité incarnée par Phillip Kapako, 28 ans, qui passe ses nuits dans le parc de l'ex-zoo de la capitale, la pelouse pour seul matelas. Cet ancien détenu originaire du township de Katutura, qui survit en savonnant des voitures, s'insurge: "Regarde les avenues, tu as vu le nombre de personnes vivant dans la rue?".
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