Dans la Syrie ravagée par une guerre aux fronts multiples qui a fait plus de 280.000 morts en cinq ans selon un nouveau bilan de l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), l'envoyé spécial de l'ONU Staffan de Mistura a averti que de nombreux civils pris au piège des combats "risquaient de mourir de faim" si de l'aide humanitaire ne leur parvenait pas rapidement.
Dans ce pays, les combats semblent se concentrer contre l'EI dans la province de Raqa (nord-est), dont le chef-lieu éponyme est considéré comme la capitale de facto du "califat" auto-proclamé de l'EI.
Appuyés par les frappes de la coalition internationale dirigée par les Etats-Unis, les combattants arabes et kurdes des Forces démocratiques syriennes (FDS) mènent depuis mardi une offensive, la plus importante jamais lancée contre l'EI en Syrie, pour chasser les djihadistes du nord de cette province qu'ils contrôlent en majeure partie.
Les FDS avancent lentement dans les champs agricoles et les villages au sud de la ville d'Aïn Issa, située à 60 km au nord de la ville de Raqa et contrôlée par les Kurdes. Elles ont affirmé dans un communiqué avoir notamment "libéré cinq villages dont ceux de Fatsa, Namroudiya et Wasta".
Selon l'OSDH, les FDS bombardent les positions de l'EI près d'Aïn Issa tandis que la coalition mène des frappes.
Au sol, des forces spéciales américaines sont présentes au côté des FDS, selon des commandants kurdes.
Un photographe de l'AFP a vu une vingtaine de soldats américains à Fatsa.
Au Pentagone, le porte-parole Peter Cook a affirmé que les militaires américains en Syrie avaient une mission de "conseil et d'assistance" auprès des FDS et pas une mission de combat.
"Ils ne mènent" pas ce combat contre le groupe Etat islamique, mais "ils soutiennent ceux qui (le) mènent", a-t-il dit. Ils "ne sont pas sur la ligne de front", a-t-il également affirmé.
- '2.000 combattants' -
Le directeur de l'OSDH, Rami Abdel Rahmane, a souligné que les Forces démocratiques syriennes ne s'étaient pas encore emparées de positions importantes.
Selon lui, l'EI "concentre 2.000 combattants sur les lignes de front au nord de la ville de Raqa. Le groupe a préparé cette bataille depuis des mois en creusant des tunnels qu'il a bourrés d'explosifs. Il a aussi préparé des voitures piégées et ses combattants se cachent parmi les civils".
Les FDS ont souligné dès le départ que la bataille en cours serait concentrée uniquement dans le nord de la province de Raqa.
"L'objectif final est la ville de Raqa", affirme toutefois à l'AFP Mutlu Civiroglu, un analyste basé à Washington. "Il est important (pour les forces anti-EI) d'assiéger la ville et de bloquer les mouvements de l'EI".
Cet assaut avait été annoncé au lendemain du début d'une offensive d'envergure de l'autre côté de la frontière, en Irak, pour reprendre Fallouja à l'EI.
Les troupes irakiennes soutenues par des milices progouvernementales ont avancé en direction de cette ville, où les conditions de vie des 50.000 civils présents sont dramatiques selon l'ONU. Seules 800 personnes ont réussi à fuir la cité, située à 50 km à l'ouest de Bagdad.
"La nourriture est rare et les distributions très contrôlées. Les médicaments sont épuisés et de nombreuses familles sont contraintes de s'approvisionner en eau non potable", a affirmé la coordinatrice de l'ONU Lisa Grande.
- Considérations ethniques -
Des analystes mettent en garde contre des combats qui pourraient s'éterniser.
"Les défis en jeu pour affaiblir et chasser l'EI de positions fortifiées pendant longtemps sont énormes", écrit le groupe d'analyse Soufan basé à New York. La reprise de Fallouja "pose le plus grand défi militaire pour les forces irakiennes depuis deux ans".
En Syrie, la "détermination de l'EI à défendre Raqa signifie que la bataille sera une des plus féroces", ajoute le groupe. Les considérations ethniques sont également à prendre en compte, Raqa étant une ville à population arabe, tandis que les FDS sont dominées par les Kurdes qui "ne sont pas vus comme des libérateurs".
Au plan diplomatique, l'émissaire de l'ONU en Syrie a indiqué jeudi au Conseil de sécurité qu'il n'envisageait pas de nouveaux pourparlers de paix entre le gouvernement syrien et l'opposition armée "avant deux ou trois semaines".
Selon des diplomates, M. De Mistura a expliqué que le niveau général des violences avait baissé mais que, dans de nombreux endroits, la trêve instaurée fin février entre groupes rebelles non djihadistes et le régime n'existait que sur le papier.
Avec AFP