Encore à la tête du pays jusqu'aux élections générales de la mi-2019, "JZ" doit prononcer son dernier discours de chef de parti devant ses troupes, réunies de samedi à mercredi à Johannesburg pour élire son successeur.
La semaine dernière, le chef de l'Etat s'est dit "très heureux" de rendre les rênes de l'ANC. Il a même promis une "transition réussie et en douceur".
La tâche s'annonce compliquée, tant le parti de la lutte historique contre l'apartheid sort divisé et affaibli des deux mandats de Jacob Zuma.
"Un ANC en ruines, une économie en ruines, la corruption et un détournement de l'Etat endémiques, je crains que cela ne soit votre seul héritage durable", a cinglé cette semaine le commentateur politique Oscar Van Heerden.
Triste bilan, que ses soutiens les plus ardents peinent à défendre. Jacob Zuma, lui, semble s'en moquer superbement.
A l'Assemblée, il balaie d'un revers de main les plus graves interpellations sur les affaires qui le menacent et répond à ses adversaires par un de ses éclats de rire devenus célèbres, invariablement interprétés comme du mépris.
Rebaptisé le "président Teflon", tant les accusations glissent sur lui, Jacob Zuma fait depuis longtemps figure de miraculé.
Son arrivée à la tête de l'ANC est un modèle du genre.
Fin 2007, il réussit à évincer de la direction du parti Thabo Mbeki qui l'avait limogé de la vice-présidence sud-africaine deux ans plus tôt pour des accusations de corruption. Quelques mois plus tard, il obtient la tête de son rival, contraint de quitter son poste de chef de l'Etat.
Scandales
Juste avant les élections générales de 2009, la justice renonce - très opportunément s'indignent ses rivaux - à poursuivre M. Zuma alors qu'il est accusé d'avoir touché des pots-de-vin lors d'un contrat d'armement avec, entre autres, le Français Thales. Dans la foulée de la victoire de l'ANC, il devient président du pays.
Trois ans plus tôt déjà, le futur chef de l'Etat avait été acquitté au terme d'un retentissant procès pour viol.
Homme de réseaux, tacticien éprouvé et, surtout, doté d'un "nez" politique particulièrement fin, Jacob Zuma a réussi à naviguer entre les écueils et les déboires tout au long de son règne.
Même en 2016, qui fut pourtant son "annus horribilis".
Le président est d'abord reconnu coupable d'avoir violé la Constitution pour avoir fait payer par le contribuable des travaux de modernisation dans sa résidence privée. Il est contraint d'en rembourser près d'un demi-million d'euros.
L'ANC réalise ensuite aux municipales son plus mauvais score national depuis l'avènement de la démocratie en 1994.
Puis c'est un rapport officiel qui met en cause ses relations controversées avec une riche famille d'hommes d'affaires d'origine indienne, les Gupta. Et aujourd'hui, la justice menace de raviver ses poursuites dans l'affaire Thales...
Et même si le danger se précise, le président a jusque-là toujours survécu. Aux motions de censure à répétition comme à la fronde désormais ouverte qui le vise au sein même de l'ANC.
Né le 12 avril 1942, l'ancien vacher autodidacte est le premier chef d'Etat officiellement polygame du pays.
Fausses promesses
Marié six fois, il a quatre femmes et une vingtaine d'enfants. Il est en outre divorcé de l'ex-patronne de l'Union africaine (UA) Nkosazana Dlamini Zuma, dont il soutient la candidature à sa succession à la tête de l'ANC.
Fier de ses origines zouloues, grand danseur et remarquable chanteur, la bonhomie du sourire masque chez Jacob Zuma une patience de prédateur, affinée dans les geôles de l'apartheid.
Jeune homme, il a passé dix ans au bagne de Robben Island, au large du Cap (sud-ouest), avec Nelson Mandela. Il s'y découvre, accessoirement, une passion pour les échecs.
Une fois libéré, Jacob Zuma dirige la mise en place des structures clandestines de l'ANC dans sa région d'origine, avant de prendre le chemin de l'exil. Il y dirige les services de renseignements de l'organisation à la fin des années 1980.
Après la légalisation de l'ANC en 1990, c'est le retour en Afrique du Sud. Cadre du parti, il participe aux négociations qui mènent aux premières élections démocratiques de 1994 et à la victoire de son parti et de l'icône Nelson Mandela.
Une fois l'ANC au pouvoir, "JZ" devient ministre provincial au KwaZulu-Natal, puis vice-président de la République en 1999 jusqu'à son limogeage en 2005.
Sa traversée du désert n'est que de courte durée.
Il prend le pouvoir en s'appuyant sur l'aile gauche de l'ANC et les syndicats. Il incarne alors les espoirs de promotion des plus pauvres. Dix ans après, ses promesses de réformes "radicales" n'ont pas dépassé le stade du discours. Le pays et le parti semblent plus que jamais englués dans la crise.
La faute à Jacob Zuma, ont tranché les "anciens" du parti. A la veille de son départ de la direction du parti, leur verdict est sans appel: "Il a laissé tombé l'ANC, notre peuple et notre pays".
Avec AFP