"Ils tuent de jeunes Noirs à travers le pays", a accusé le révérend Al Sharpton, figure historique du mouvement des droits civiques aux Etats-Unis, lors du service oecuménique.
"Nous sommes ici pour dire que nous allons lutter avec Stephon Clark et les membres de sa famille", a-t-il proclamé devant les proches du jeune homme de 22 ans, abattu le 18 mars dans son jardin des quartiers pauvres du sud de Sacramento, par des agents qui le croyaient armé. En réalité, il tenait à la main un simple iPhone.
Les policiers, dont un est Noir, ont été suspendus. Mais cette énième bavure contre un Noir a enragé la communauté afro-américaine, qui multiplie depuis lors des manifestations dans la paisible capitale californienne.
A son arrivée aux obsèques, le frère bouleversé de la victime, Sevante Clark, s'est jeté sur le cercueil fermé, avant de prendre à plusieurs reprises le micro, de lever le poing en signe de protestation et d'appeler l'assistance à crier le nom de Stephon Clark.
Tenant dans ses bras ce jeune homme, Al Sharpton a également appelé l'assistance à reprendre son nom. Des proches ont entamé des chants gospel.
"Nous allons pousser Donald Trump et le monde entier à régler le problème des mauvaises conduites policières", a-t-il proclamé sous les acclamations de certains membres du public, en réponse à la porte-parole de la Maison Blanche, Sarah Sanders, qui a qualifié ces faits "terribles" de sujet "local".
A ses côtés, un imam, un rabbin, et des représentants d'autres confessions ont pris la parole à tour de rôle, ainsi que plusieurs proches du jeune homme, qui l'ont décrit comme le père aimant de ses deux enfants, et dévoué à sa fiancée, Salena Manni. La famille avait déjà perdu un frère de Stephon dans une fusillade en 2006.
"Nous en avons assez de voir les nôtres mourir", a martelé l'imam, Zaid Shakir, avant de lancer, à propos des violences policières par balle: "C'est un problème systémique (...) c'est un problème uniquement américain". Puis d'énumérer une longue liste d'autres victimes noires de bavures.
La vidéo de la mort de Stephon Clark, filmée par les caméras que portent les policiers, a particulièrement choqué. Les deux agents de la Sacramento Police Department (SPD) lui ont tiré dessus à 20 reprises, avant de lui intimer de montrer ses mains.
Ils étaient intervenus après un appel signalant qu'un homme brisait des vitres de voitures. Stephon Clark correspondait au signalement de leur suspect. Ils l'ont pris en chasse, épaulés par un hélicoptère de police.
Le jeune homme s'est alors réfugié dans le jardin, où il a été abattu.
"J'ai dit aux policiers: +Vous n'êtes que des meurtriers+", a déclaré sa grand-mère, Sequita Thompson, qui vivait aussi sur les lieux, à la chaîne locale Fox 40.
- "Condamnez les flics tueurs" -
Les rues du centre-ville, où se trouve le Capitole de l'Etat, sont depuis sa mort régulièrement bloquées par des manifestants.
Jeudi encore, des dizaines de personnes se sont rassemblées après les obsèques devant le bureau de la procureure de Sacramento, Anne Marie Schubert, qui doit décider de lancer ou non des poursuites contre les policiers.
"Sans justice, pas de paix" et "Condamnez les flics tueurs", pouvait-on lire sur les panneaux des manifestants, emmenés par le mouvement de défense des Noirs "Black Lives Matter". Deux personnes ont été interpellées, selon les médias locaux, lors de cette manifestation toutefois largement pacifique comparée à la tension qui règne dans la ville depuis la mort du jeune homme.
Une réunion du conseil municipal avait ainsi été interrompue mardi quand une foule avait fait irruption dans la salle, exigeant la fin d'un "racisme endémique".
Et l'entrée à deux matches de basket NBA a été perturbée, forçant le propriétaire de l'équipe de NBA locale, les Kings, à délivrer un appel à la paix et l'unité à la mi-temps d'une rencontre.
Les joueurs, des stars millionnaires d'une ligue qui s'est longtemps voulue dépolitisée, se sont entraînées avec un T-shirt cinglé du nom de Stephon Clark.
"Nous allons pousser le procureur à rendre justice au nom de Stephon Clark", a affirmé Al Sharpton durant les funérailles. "Nous sommes venus parce que ce garçon devrait être vivant aujourd'hui."
Avec AFP