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L'ONU a-t-elle encore un but en Syrie ?


Staffan de Mistura, le médiateur de l'ONU pour la Syrie, à Genève le 14 mars 2016.
Staffan de Mistura, le médiateur de l'ONU pour la Syrie, à Genève le 14 mars 2016.

Il ne fait guère de doute aux yeux de la plupart que l'actuel émissaire de l'ONU pour la Syrie, Staffan de Mistura, n'a pas ménagé ses efforts depuis qu'il a succédé en 2014 à l'ancien ministre algérien des Affaires étrangères, Lakhdar Brahimi. Lui-même avait remplacé l'ancien chef de l'ONU et prix Nobel de la paix Kofi Annan.

Déclenché en 2011 par la répression de manifestations pacifiques par le régime de Bachar al-Assad, le conflit en Syrie s'est complexifié au fil des ans avec l'implication de pays étrangers et de groupes jihadistes, sur un territoire de plus en plus morcelé.

Il a fait plus de 350.000 morts et des millions de déplacés et réfugiés.

Staffan de Mistura a organisé neuf cycles de négociations indirectes à Genève et Vienne, sans obtenir de résultats. Sur le terrain, le régime, soutenu militairement par la Russie, contrôle désormais près des deux-tiers de la Syrie.

Les défenseurs du diplomate italo-suédois font valoir sa souplesse, sa créativité et sa ténacité, face à un gouvernement syrien qui, pour certains observateurs, n'a montré aucun intérêt à négocier sérieusement.

"Brassage d'air"

Soucieux d'aller de l'avant, Staffan de Mistura a tenté ces derniers mois de créer un comité constitutionnel chargé de doter la Syrie d'une nouvelle constitution, un projet conçu en janvier à Sotchi, sur les bords de la mer Noire, lors d'un sommet rassemblant l'Iran, la Russie et la Turquie.

L'émissaire de l'ONU n'avait pas caché en vain qu'il espérait que ce comité puisse être opérationnel dès septembre, alors que se tient l'Assemblée générale annuelle des Nations unies à New York.

Pour Emile Hokayem, spécialiste du Moyen-Orient à l'Institut international pour les études stratégiques, essayer de créer ce comité c'est comme "brasser de l'air".

"C'est une perte de temps et de crédibilité diplomatique. C'est quelque chose qui n'est pas pertinent du tout", a-t-il affirmé à l'AFP.

A cet égard, Staffan de Mistura, lors d'une réunion du Conseil de sécurité le 18 septembre sur la Syrie, a mis en garde contre des consultations sans fin, soulignant que des obstacles majeurs devaient encore être surmontés pour que les parties s'entendent sur les noms des membres du comité.

Celui qui se qualifie comme un "infatigable optimiste" a néanmoins annoncé qu'il allait, le mois prochain, "fixer une date" pour la création du comité.

"L'ONU devrait d'abord se demander si cela en vaut la peine, et plus important encore, si elle sert encore le peuple syrien", commente M. Hokayem, pour qui "de Mistura ne donne jamais l'impression que trop c'est trop".

"Forum de discussion ?"

Pour un diplomate européen, demandant l'anonymat, il est positif que l'émissaire de l'ONU croit en "l'art du possible" et essaie de "désembouteiller" le processus de paix en créant un comité constitutionnel.

Mais il met en garde aussi contre les risques de prolongation d'un processus de paix sans fin.

"Le soupçon, que beaucoup d'entre nous ont, est que le régime et ses partisans veulent simplement jouer le jeu, (...) le réduire à un forum de discussion", a-t-il dit.

Le chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian, a lui aussi averti lundi que la région autour de la Syrie risquait de connaître une "guerre perpétuelle" si aucun accord de paix n'est trouvé dans ce pays.

Dans un courriel adressé à l'AFP, le bureau de Staffan de Mistura - composé d'un effectif de 92 personnes - a fait valoir que le comité constitutionnel était "un jalon important en soi et une porte d'entrée pour d'autres réformes à venir", comme les élections supervisées par l'ONU, un élément clé du processus de paix de Genève.

Pour David Harland, membre du Conseil consultatif de haut niveau de l'ONU sur la médiation, les faux pas de Staffan de Mistura font écho à l'affaiblissement de l'ONU en tant que médiateur de paix.

"Avant le milieu des années 1990, les envoyés de l'ONU étaient appuyées par un petit nombre de personnels", mais ces missions se sont récemment transformés en "missions politiques spéciales plus vastes,... comprenant des conseillers spécialisés sur tout, de l'égalité des sexes à la démobilisation des enfants soldats", note M. Harland dans un document récemment publié, dans lequel il déplore le manque d'"agilité" des missions de l'ONU et la division du Conseil de sécurité.

Avec AFP

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