Trois humanitaires nigérianes avaient été enlevées le 1er mars dans une attaque visant la ville de Rann (extrême nord-est), au cours de laquelle trois autres travailleurs humanitaires et huit soldats nigérians avaient été tués.
Deux des femmes kidnappées, Hauwa Liman et Saifura Khorsa, travaillaient pour le CICR, tandis que la troisième, Alice Loksha, travaillait pour l'Unicef.
Le ministre de l'Information Lai Mohammed a annoncé mardi matin la mort de Hauwa Liman, une sage-femme de 24 ans. Condamnant un meurtre "ignoble, inhumain et impie", il a appelé à la libération de deux femmes encore aux mains de Boko Haram - Alice Loksha et une jeune fille de quinze ans.
Le CICR a confirmé quelques heures plus tard dans un communiqué avoir "des informations selon lesquelles Hauwa Mohammed Liman a été tuée par ses ravisseurs dans un acte de cruauté abject".
"Nous avons appelé à la clémence et à la fin de ces meurtres insensés. Comment est-il possible que deux professionnelles de la santé aient été tuées l'une après l'autre? Rien ne peut justifier cela", a réagi la directrice régionale du CICR pour l'Afrique.
Hauwa Liman était "une femme sociable, dynamique et enthousiaste, très aimée de sa famille et ses amis (...) dévouée à son travail", a ajouté le CICR.
De son côté, le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a "condamné fermement ce meurtre". Il "exprime son inquiétude pour la sécurité des otages -encore entre les mains du groupe- et demande leur libération immédiate", dans un communiqué signé de son porte-parole.
L'organisation humanitaire avait annoncé en septembre avoir reçu une vidéo de l'exécution de Saifura Khorsa, l'une des trois otages du groupe Etat islamique d'Afrique de l'Ouest (ISWAP), une faction de Boko Haram soutenue par l'EI.
L'ISWAP menaçait dans cette vidéo de tuer les deux autres otages si ses revendications n'étaient pas satisfaites, de même que Leah Sharibu, une collégienne de quinze ans enlevée par Boko Haram avec plus de cent de ses camarades, dans une école à Dapchi (Etat de Yobe, nord-est) en février 2018.
"Demander justice"
L'ultimatum fixé aux autorités nigérianes a expiré lundi, mais le ministre de l'Information a assuré que le gouvernement avait toujours laissé la porte ouverte aux négociations.
"Dans toutes les négociations, nous avons agi dans le meilleur intérêt des jeunes femmes et du pays dans son ensemble", a-t-il dit. "Nous restons ouverts aux négociations et nous continuons à travailler pour la libération des femmes innocentes qui restent détenues".
Mardi, des dizaines de personnes se sont rassemblées à Abuja, en hommage à la jeune femme assassinée, sous la houlette d'Ezekwesili Obiageli, candidate à la présidentielle de février et figure du mouvement #BringBackOurGirls ("Ramenez-nous nos filles"), créé en 2014 après le premier enlèvement de masse par Boko Haram en avril 2014.
Plus de 200 lycéennes avaient alors été enlevées, au pic de l'insurrection, provoquant l'indignation du monde entier pour réclamer leur libération. Une partie d'entre elles ont pu être libérées ou retrouvées depuis, mais 112 sont toujours captives.
Plusieurs manifestants, en larmes, arboraient des pancartes reprenant les derniers mots de Hauwa Liman au téléphone avec son frère, quelques minutes avant son enlèvement: "Nous étions là pour les plus vulnérables et maintenant nous sommes les plus vulnérables".
Mais la marche, qui devait s'achever devant le palais présidentiel, a été empêchée par la police qui a formé un barrage humain sur la route.
"Nous sommes venus ici pour demander que justice soit faite. Pourquoi nos citoyens meurent-ils? Et quand nous demandons pourquoi, la police nous bloque", a déclaré une autre coordinatrice de la marche, Edith Yassin, appelant à la libération des otages toujours aux mains des insurgés.
Les Nations unies estiment que les violences entre Boko Haram et l'armée nigériane ont fait plus de 27.000 morts depuis 2009 et près de deux millions de personnes ne peuvent toujours pas regagner leur foyer.
Les jihadistes pratiquent les enlèvements contre rançon pour financer leurs opérations ou échanger avec le gouvernement nigérian leurs captifs contre des membres de leur groupe faits prisonniers.
Les autorités affirment que les islamistes sont gravement affaiblis mais l'ISWAP a procédé ces derniers mois à une série d'attaques contre des bases militaires dans l'Etat de Borno et celui, voisin, de Yobe.
Avec AFP