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Derrière l'alternance Tshisekedi, un probable partage des pouvoirs avec Kabila


Félix Tshisekedi, à Genève le 10 juin 2016.
Félix Tshisekedi, à Genève le 10 juin 2016.

L'élection de l'opposant Félix Tshisekedi à la présidence de la République démocratique du Congo a l'apparence d'une alternance historique en Afrique centrale où les mêmes dirigeants se font réélire pendant des décennies (Cameroun, Tchad, Gabon Congo-Brazzaville, Rwanda).

Mais cette alternance sans précédent dans la sous-région peut vite prendre la réalité d'un partage négocié du pouvoir avec le président sortant Joseph Kabila, en faveur de ce dernier, selon les premières expertises et analyses.

Connue pour le talent de ses musiciens et plasticiens, la RDC a aussi prouvé qu'elle avait une créativité politique débordante.

Que l'opposition perde les élections et dénonce des fraudes, c'est classique. Mais c'est la première fois qu'un perdant dénonce des "résultats trafiqués" par le pouvoir, non pas au bénéfice du régime mais d'un autre opposant.

C'est l'accusation lancée par Martin Fayulu, qui voit la main de la coalition pro-Kabila Front commun pour le Congo (FCC) derrière la victoire de son rival de l'opposition Félix Tshisekedi.

Les deux camps pro-Tshisekedi et pro-Kabila n'ont jamais démenti un rapprochement ces derniers jours.

M. Tshisekedi a rendu "hommage" au président Kabila qu'il a qualifié de "partenaire de l'alternance démocratique" dans sa première déclaration présidentielle.

Ce rapprochement au détriment de M. Fayulu est le fruit du rapport de force politique qui s'est esquissé depuis que M. Kabila a renoncé à briguer en août dernier un troisième mandat interdit par la Constitution.

Tout en se retirant, M. Kabila a aussi cherché à préserver son avenir, ses intérêts, sa sécurité et son immunité. Une loi sur le statut des anciens présidents a été opportunément adoptée par le Parlement en juillet (pension mensuelle, gardes du corps, logement, voyages...).

- "Moindre mal" -

Choisi pour ne pas lui faire de l'ombre, son "dauphin" Emmanuel Ramazani Shadary a tellement fait l'affaire qu'il s'est aussi révélé trop faible pour remporter la présidentielle.

"Shadary a eu très peu de soutien au niveau national. Il est largement inconnu. Sa base politique est le Maniema, une petite province de mines artisanales dans l'Est, qui ne représente que 5% de l'électorat de la RDC", observait dès le mois d'août le cabinet d'évaluation des risques Verisk Maplecroft.

Se résignant à la défaite de son candidat après les élections du 30 décembre, le pouvoir a pu voir dans M. Tshisekedi un moindre mal par rapport à M. Fayulu.

"Kabila n'a pas voulu prendre le risque de proclamer la victoire de Shadary, ce qui aurait provoqué des protestations violentes et des condamnations internationales. A la place, il a choisi de diviser l'opposition en fabriquant un accord de partage du pouvoir avec Tshisekedi", avance un autre cabinet d'analyse des risques, Exx Africa.

M. Tshisekedi a le soutien de Vital Kamerhe, certes passé à l'opposition depuis plusieurs années mais qui a été membre fondateur du PPRD de M. Kabila.

M. Kamerhe est bien plus fréquentable aux yeux de M. Kabila que les deux principaux soutiens de Martin Fayulu: l'ex-gouverneur du Katanga Moïse Katumbi, alias "Judas" pour le chef de l'Etat sortant, et Jean-Pierre Bemba, l'ex-chef de guerre dont les milices ont combattu l'armée régulière en 2007 dans les rues de Kinshasa.

Candidat du "moindre mal" pour le pouvoir sortant, M. Tshisekedi doit encore devenir un président de plein exercice.

Des recours contre sa victoire sont toujours possibles devant la Cour constitutionnelle.

- Législatives -

Même si la Cour confirme sa victoire d'ici à la prestation de serment toujours prévue le 18 janvier, Félix Tshisekedi doit encore s'emparer de tous les pouvoirs régaliens (armée, forces de sécurité, renseignements, diplomatie, supervision des contrats d'exploitation minière...).

Des pouvoirs fermement tenus en main par le président Kabila et son entourage depuis 18 ans.

M. Tshisekedi s'est engagé à nommer son allié Vital Kamerhe Premier ministre en cas de victoire. Encore faut-il qu'il ait une majorité au Parlement.

Des élections législatives ont également eu lieu le 30 décembre. Les résultats ne sont pas encore connus.

Inversement, le président Kabila est sûr de devenir sénateur à vie, un poste que lui garantit la Constitution, ce qui lui permet de devenir s'il le souhaite président de la Haute assemblée.

"C'est le président du Sénat qui assure l'intérim de la présidence au cas où...", relève un observateur étranger.

Cet observateur relaie aussi une rumeur tenace: "Kabila va rester au palais présidentiel. Félix Tshisekedi va occuper la résidence officielle du Premier ministre".

"Kabila non seulement garde mais aussi consolide son pouvoir", conclut l'observateur étranger, selon qui un retour de l'actuel président n'est jamais à exclure. Le président Kabila lui-même l'a envisagé pour le prochain cycle électoral prévu en 2023. Il n'aura que 52 ans.

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