Un membre de l'équipe de campagne de M. Fayulu a revendiqué vendredi la victoire avec 61% des suffrages lors de la présidentielle à un tour du 30 décembre, qui doit désigner le successeur du président Joseph Kabila lors de la première transition démocratique depuis l'indépendance du pays en 1960.
"Nous irons demain samedi à la Cour constitutionnelle" pour exiger "le recomptage des voix", a annoncé le candidat malheureux lors d'un meeting à Kinshasa.
Jeudi, la Commission électorale (Céni) a proclamé la victoire de l'autre opposant Félix Tshisekedi avec 38,57%, devant M. Fayulu (34,8%) et le candidat du pouvoir Emmanuel Ramazani Shadary (23,8%).
Si la Cour constitutionnelle confirme ces résultats, c'est donc Félix Tshisekedi, 55 ans, fils de l'opposant historique Etienne Tshisekedi, qui doit succéder à Joseph Kabila, 47 ans, au pouvoir depuis l'assassinat de son père en 2001, élu en 2006 et réélu en 2011 lors d'un scrutin entaché de fraudes massives.
"M. Tshisekedi et le président discutent depuis 2015! Il (Tshisekedi, ndlr) est totalement complice de ce putsch électoral. M. Kabila n'a aucune intention de céder le pouvoir", a accusé M. Fayulu dans un entretien avec le journal français Le Parisien.
Selon la Constitution, M. Kabila ne peut prétendre à plus de deux mandats d'affilée. Mais il a déjà envisagé de se présenter pour le prochain cycle électoral prévu en 2023.
Le bras de fer autour s'est également joué ce vendredi aux Nations unies.
La puissante Eglise catholique, qui affirme avoir déployé 40.000 observateurs le jour du vote, a demandé à l'ONU la publication des procès-verbaux" du scrutin "pour enlever les doutes".
"Les résultats tels que publiés ne correspondent pas aux données collectées par la mission d'observation" de la Conférence des Evêques, a répété l'un de ses représentants lors d'une liaison vidéo avec le Conseil de sécurité.
Quant à la Commission électorale, elle a de son côté exhorté le Conseil àsoutenir les nouvelles autorités élues.
"Pour les contentieux, il n'y a que deux options", a mis en garde son président Corneille Nangaa également lors d'une liaison vidéo: "Soit confirmer les résultats de la Céni, soit annuler l'élection."
L'annonce de la commission électorale a entraîné un cycle de contestation/répression. Dans la région d'origine de M. Fayulu, le Kwilu (ouest), cinq civils ont été tués "dans l'opération de rétablissement de l'ordre public à Kikwit (ouest), a indiqué la police. Et dans le Kasaï (centre), fief de Tshisekedi, trois miliciens ont été tués, d'après la police.
La communauté internationale continue d'accueillir avec prudence le résultat provisoire de la présidentielle dans le plus grand pays d'Afrique sub-saharienne aux énormes ressources naturelles mais marqué par de nombreux conflits internes et deux guerres entre 1996 et 2003.
Ces résultats ne sont pas "conformes", a jugé jeudi le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian qui, se basant sur les données de l'Eglise, a estimé que M. Fayulu "était a priori" le vainqueur.
L'Union européenne a demandé "la publication des procès-verbaux de chaque centre local de compilation des résultats". Les États-Unis ont réclamé une "clarification" et exhorté toutes les parties au calme comme l'Union africaine ou l'ONU.
Désormais, la Céni doit annoncer les résultats des élections législatives également déroulées le 30 décembre.
- 'Perspective d'une cohabitation' -
"La publication des résultats des législatives nationales se fera ce vendredi soir", a déclaré à l'AFP une porte-parole de la Céni.
Issue des élections de 2011, l'actuelle Assemblée nationale est majoritairement composée des partisans du président sortant. Et la majorité présidentielle pro-Kabila revendique déjà la victoire aux législatives à partir des premières tendances.
"Cette projection électorale ouvre grande la perspective d'une cohabitation inéluctable avec le président Tshisekedi dans la gestion du pays", a déclaré un porte-parole de la majorité présidentielle. Un scénario justement dénoncé comme un arrangement par le camp Fayulu.
Selon une source étrangère, la coalition au pouvoir FCC pourrait disposer de 250 sièges sur 500, contre une centaine pour la coalition Cash autour de Félix Tshisekedi.
La RDC est un régime semi-présidentiel où le Premier ministre doit sortir des rangs du groupe majoritaire à l'Assemblée nationale.
Les élections ont été reportées dans les régions de Beni et Butembo (au Nord-Kivu) mais aussi à Yumbi (Mai-Ndombe), officiellement pour des raisons sanitaires et sécuritaires. La circonscription électorale de Beni-Butembo comptait 14 sièges à l'Assemblée nationale sortante.
Le président Kabila, s'il quitte le pouvoir, deviendra sénateur à vie selon la Constitution. Il restera en fonction "jusqu'à l'installation effective du nouveau président élu", selon la Constitution.