Au premier jour d'une grève générale de trois jours, la police est intervenue dans les deux plus grandes villes du pays, Harare et Bulawayo (sud), pour disperser des centaines de personnes en colère qui ont bloqué les routes et pillé des commerces, y paralysant largement l'activité.
Ces opérations "ont provoqué des pertes de vie et de biens, ainsi que des blessures parmi les forces de police et la population", a déclaré en soirée le ministre de la Sécurité Owen Ncube, sans préciser le nombre de victimes.
"Nous exprimons nos plus profondes condoléances aux familles en deuil", a-t-il ajouté, sans aucun autre détail.
Plus tôt dans la journée, des ONG avaient affirmé avoir recueilli de nombreux témoignages rapportant que la police avait ouvert le feu dans la capitale, faisant état de 13 blessés.
Ces troubles sont les plus graves dans le pays depuis la répression par l'armée d'une manifestation de l'opposition au lendemain des élections du 30 juillet, qui s'était soldée par la mort de 6 personnes dans les rues de Harare.
Dans sa déclaration citée par le quotidien gouvernemental The Herald, le ministre de la Sécurité a indiqué que les forces de l'ordre avaient procédé à au moins 200 arrestations.
Il a attribué la responsabilité des troubles au Mouvement pour un changement démocratique (MDC), le principal adversaire de la Zanu-PF au pouvoir, "de mèche avec des ONG, la société civile, des organisations de jeunes".
D'importants effectifs de l'armée ont été déployés en fin de journée dans plusieurs quartiers des deux agglomérations, ont constaté des journalistes de l'AFP.
- "Réformes nécessaires" -
Depuis près de vingt ans, l'économie zimbabwéenne n'en finit pas de dégringoler, étranglée financièrement par un manque criant de liquidités et une inflation galopante.
Sa situation s'est encore aggravée ces derniers mois. De nombreux produits de base manquent, à commencer par le pétrole. Des kilomètres de queue de véhicules se sont formés devant les stations-service du pays.
Samedi soir, M. Mnangagwa a lui-même annoncé la multiplication par deux et demi des prix de l'essence, dans l'espoir de réduire la consommation et les trafics liés à la dévaluation de la quasi-devise locale, les "bond notes".
Dans un climat social de plus en plus tendu, cette hausse a mis le feu aux poudres. De nombreux Zimbabwéens redoutent qu'elle provoque une flambée généralisée des prix.
La Confédération syndicale du Zimbabwe (ZCTU) a appelé la population à arrêter le travail jusqu'à mercredi.
En visite lundi en Russie, le président Mnangagwa a répété devant la presse que sa décision était "nécessaire" et que ses réformes n'étaient "pas faciles".
"Il faut du temps pour que tout soit en place et les résultats apparaissent, l'économie commence à croître et le bien-être des personnes s'améliore", a-t-il plaidé.
Dans les quartiers pauvres de Harare, les manifestants ont bloqué lundi de nombreuses routes menant au centre-ville et déversé leur colère contre le gouvernement.
- "En colère" -
"Nos perspectives de carrière sont mortes, tous ceux qui ont plus de 18 ans sont condamnés à rester chez eux sans travail", a vociféré l'un d'eux, Elisha Sukunyudzai. "Le gouvernement doit faire quelque chose car nous avons voté pour lui".
A Bulawayo, considérée comme un fief de l'opposition, des centaines de manifestants ont également érigé des barricades, attaqué des minibus, pillé des magasins et détruit ou incendié des véhicules, selon un correspondant de l'AFP.
"Le gouvernement sait désormais que nous sommes en colère contre la décision stupide d'augmenter les prix de l'essence", a justifié un protestataire, Philani Nyoni.
L'économie du Zimbabwe est sortie exsangue du règne autoritaire de trente-sept ans de Robert Mugabe, contraint à la démission fin 2017 par un coup de force de l'armée.
Son successeur Emmerson Mnangagwa, élu en juillet dernier, promet depuis de relancer l'économie, jusque-là en vain.
Le pays souffre notamment d'un manque criant de liquidités en dollars américains. Pour y remédier, le gouvernement avait introduit en 2016 des "bonds notes", des sortes d'obligations d'une même valeur que les billets verts.
Mais, faute de la confiance des opérateurs, leur valeur a baissé et l'opération a échoué. Au marché noir, ils s'échangent actuellement à un taux d'environ trois pour un dollar.
Victimes de l'inflation, de la dépréciation des "bond notes" et des pénuries, les médecins et les enseignants se sont mis en grève ces dernières semaines, notamment pour exiger le paiement de leurs salaires en dollars américains.
M. Mnangagwa doit conclure sa tournée à l'étranger la semaine prochaine au Forum économique de Davos (Suisse) pour plaider la cause de son pays auprès des investisseurs occidentaux.