"Les jeunes se sont sacrifiés pour évincer un régime vieux de 30 ans, ceci doit être protégé", soutient avec fermeté Wafaa al-Tayeb, une mère de famille, s'exprimant haut et fort devant un groupe de jeunes attentifs.
Depuis la destitution par l'armée le 11 avril du président Omar el-Béchir, qui a dirigé le Soudan d'une main de fer pendant trois décennies, un Conseil militaire de transition a pris le pouvoir.
Lundi soir, les négociations sur une transition politique n'ont abouti à aucun accord. Chaque partie, militaires et meneurs de la contestation, souhaite obtenir la présidence et la majorité des sièges au sein du futur Conseil souverain.
"Après s'être débarrassés du plus grand dictateur d'Afrique, ces millions de gens que vous voyez ici n'accepteront jamais que les militaires imposent leur loi", assure Mme Tayeb. "C'est vrai ou pas ?", poursuit-elle à l'adresse de manifestants, récoltant aussitôt l'approbation générale.
A ses côtés, une jeune fille relativise. "Les négociations n'aboutiront pas en un jour, il y aura forcément des problèmes. L'important, c'est que l'accord final réponde à nos attentes", dit Hind Mohamed.
"Et vous, pourquoi est-ce que vous restez silencieux ?", questionne brusquement Mme Tayeb, en interpellant un journaliste égyptien.
En 2011, l'Egypte voisine a été secouée par un soulèvement populaire qui a provoqué la chute du président Hosni Moubarak, après 30 ans au pouvoir.
Mais, depuis 2014, l'actuel chef de l'Etat, M. Sissi, un ancien chef des armées appuyé par les Emirats arabes unis et l'Arabie saoudite, a instauré un régime "ultrarépressif", selon les ONG et ses opposants.
Outre le soutien financier des pays du Golfe, le Conseil militaire soudanais semble bénéficier d'un appui diplomatique de l'Egypte, actuelle présidente de l'Union africaine, selon des analystes.
- "Vraies ambitions" -
Rafeei Ibrahim, un jeune diplômé en économie de 24 ans, dénonce des "ingérences étrangères".
"Les Emirats et l'Arabie saoudite, des Etats du Golfe, mettent la pression sur Abdel Fattah al-Burhane (chef du Conseil militaire ndlr) pour appliquer leurs volontés politiques, comme ils l'ont fait en Egypte", clame cet homme de 24 ans.
"Nous sommes certains que la rue --le sit-in-- va l'emporter dans ces négociations. Que cela prenne un mois, deux mois, un an...", soutient ce jeune chômeur, vêtu d'une chemise à carreaux, un sac sur le dos.
"Nous gardons espoir. Nous sommes des millions et nous avons de vraies ambitions pour l'avenir du Soudan", poursuit-il.
Autour de lui, des groupes de protestataires, hommes et femmes de tous âges, continuent de scander des chants réclamant la "liberté", la "justice" et un gouvernement "civil".
Un peu à l'écart de la foule, Nour Galil, un manifestant, regarde des adolescents jouer au volley-ball sur un petit terrain délimité par des pierres et fils blancs.
"Bien sûr, il y a de la frustration mais il reste l'espoir d'avoir un avenir meilleur où les gens vivront bien et seront libres", confie ce trentenaire, qui dit cumuler des petits boulots pour gagner sa vie.