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Attaques djihadistes au Sahel: la plongée vers l'abîme


La chancelière allemande Angela Merkel (à gauche) aux côtés du président du Burkina Faso, Roch Marc Christian Kabore lors d'une cérémonie de bienvenue au palais présidentiel de Ouagadougou le 1er mai 2019.
La chancelière allemande Angela Merkel (à gauche) aux côtés du président du Burkina Faso, Roch Marc Christian Kabore lors d'une cérémonie de bienvenue au palais présidentiel de Ouagadougou le 1er mai 2019.

Attaques qui se multiplient, prises d'otages fréquentes, zones d'insécurité qui grandissent... Les groupes jihadistes sont omniprésents au Sahel où leur stratégie porte ses fruits malgré l'action des forces militaires africaines et occidentales.

"La situation en matière de sécurité dans le Sahel a continué de se détériorer, avec des retombées sur les pays voisins non membres du G5, notamment le Bénin, la Côte d'Ivoire et le Togo", reconnait le Conseil de sécurité des Nations Unies dans un rapport de mai.

Au Mali, "les attaques contre les forces maliennes et les forces internationales se poursuivent sans relâche (...) Au Burkina Faso, les violences intercommunautaires et la présence de groupes terroristes, de milices et de bandes criminelles ne cessent d'augmenter (...) En Mauritanie, au cours des dernières semaines, la présence de groupes terroristes armés a été signalée à la frontière malienne", poursuit le rapport.

Au Niger, les djihadistes ont perpétré le 14 mai une attaque qui a coûté la vie à 28 soldats, au lendemain d'une tentative ratée mais osée de prendre la prison Koutoukalé (60 km de la capitale), l'établissement pénitentiaire le mieux gardé du pays, où sont détenus de nombreux djihadistes. Dans le sud-est, les islamistes de Boko Haram sont à nouveau très actifs (88 civils tués rien qu'au mois de mars) après une année 2018 relativement calme.

De source militaire française, les "groupes armés terroristes" comprendraient 1.000 à 1.400 hommes au Mali. Ils seraient plusieurs centaines au Burkina, pour un total d'environ 2.000 sur tout le Sahel.

"Il n'y pas forcément plus d'attaques mais les attaques sont plus violentes. Les groupes ont acquis une certaine technicité", estime Mahamadou Sawadogo, chercheur au Cerrad (Carrefour d'études et de recherche d'action pour la démocratie et le développement, université Gaston Berger, Sénégal).

"Il y a une montée en puissance au niveau quantitatif mais aussi de leur efficacité", souligne quant à lui Lassina Diarra, auteur de "La Cédéao face au terrorisme transnational".

- Combattants venus de Syrie -

Les deux chercheurs pointent la faiblesse des armées, particulièrement celle du Burkina. Les pays sahéliens sont pauvres et ont du mal à trouver des ressources pour la sécurité, ou le font aux dépens d'autres secteurs.

La chancelière allemande Angela Merkel l'avait d'ailleurs fait remarquer lors de son passage au Sahel début mai: "La situation sécuritaire est difficile. 15% du budget est affecté aux questions sécuritaires. Vu qu'on doit augmenter la part de budget allouée à la sécurité, ces fonds manquent autre part".

La plupart des pays non touchés par le terrorisme consacrent moins de 10% de leur budget à l'armée.

Autre problème, le manque de coordination entre les pays dans les zones frontalières. "Les groupes armés jouent avec ces frontières", explique M. Sawadogo.

Lassina Diarra voit aussi d'autres pistes concernant l'efficacité des attaques.

"Au Burkina, il semble y avoir une mutualisation des moyens entre les groupes affiliés à Al-Qaïda et ceux affiliés à l'Etat islamique. Il semble maintenant qu'ils se prêtent main forte. Avant, il y avait une dissension" et même une concurrence, selon des sources sécuritaires.

"Il y a sans doute l'arrivée de combattants aguerris en provenance de la Syrie" après la chute de l'organisation de l'Etat islamique, explique Lassina Diarra. "On note en tout cas des changements de mode opératoire avec l'utilisation d'explosifs, de mines, de voitures piégées" ainsi que des embuscades plus ambitieuses.

- "Gouvernance à distance" -

Même si les djihadistes ne sont pas "présents en permanence", ces attaques font que les zones d'influence sont de plus en plus grandes. "Ils n'ont pas besoin d'être là tout le temps, d'occuper le terrain. Ils créent le sentiment d'insécurité avec des attaques sporadiques", ajoute Lassina Diarra.

"On harcèle les symboles de l'Etat", poussant les fonctionnaires à partir, souligne Mahamadou Sawadogo. "Ils n'ont pas la mainmise sur les zones mais ils ne cherchent pas se sédentariser. Il y a une gouvernance à distance. Ils ont créé des zones de confort. Il y a désormais un couloir" qui va du sud-est du Burkina au Mali avec aussi à l'ouest du Niger, souligne-t-il.

De plus, de l'avis général d'hommes politiques comme d'experts, en visant des cibles religieuses ou ethniques les groupes armés ont adopté une stratégie visant à favoriser les affrontements intercommunautaires, source d'instabilité qui les favorise.

Comment renverser la tendance? "Il faut lutter contre l'idéologie des djihadistes", estime Lassina Diarra, qui suggère notamment la formation d'imams crédibles évitant la radicalisation et "les facteurs de recrutement".

"Il faut lutter sur le même terrain que les djihadistes, utiliser la même stratégie", estime Mahamdou Sawadogo. "Pour le moment, les djihadistes ont des complicités. Ils se déplacent, préparent des attaques et des routes de repli. Ils traversent des villages... La population est au courant", dit-il, soulignant que les forces de l'ordre n'ont pas ou peu de renseignements.

Les deux chercheurs insistent sur l'importance de la présence de l'Etat, avec des fonctionnaires et des investissements locaux. "Il faut regagner la confiance des populations" qui seront donc plus enclines à fournir des renseignements aux forces de sécurité et moins attirées par les discours des djihadistes.

Avec AFP

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