Les rassemblements ont eu lieu au lendemain de la signature d'un accord sur le partage du pouvoir entre le Conseil militaire qui a succédé à M. Béchir et les chefs de la contestation, premier pas vers un gouvernement civil, la principale revendication des manifestants.
Les pourparlers doivent reprendre vendredi pour finaliser des points sur lesquels les deux camps restent en désaccord.
Venus de plusieurs quartiers de Khartoum et brandissant des drapeaux du Soudan, hommes, femmes et enfants se sont dirigés vers l'un des plus grands parcs de la capitale soudanaise, en scandant "Régime civil, régime civil !" et "Liberté, paix, justice !", selon des témoins.
La police anti-émeute a tiré des gaz lacrymogènes pour disperser un rassemblement devant une gare routière du centre de Khartoum, ont ajouté d'autres témoins.
"Les manifestants dispersés tentent de se mobiliser à nouveau et poursuivent le rassemblement. C'est comme s'ils jouaient au chat et à la souris", a déclaré un témoin à l'AFP.
De nombreux manifestants arrivés près du parc "Green Yard" étaient en larmes et criaient des slogans à la mémoire des manifestants tués.
"Nous sommes ici pour maintenir nos demandes puisque le Conseil militaire n'y répond pas", a affirmé Shaïma Ahmed, une manifestante. "Nous n'abandonnerons pas".
C'est l'Association des professionnels soudanais (SPA), l'un des principaux mouvements de la contestation, qui a appelé au rassemblement en "hommage aux honorables martyrs de la révolution de décembre".
- Accentuer la pression -
Le mouvement de contestation a été déclenché le 19 décembre par le triplement du prix du pain dans un pays pauvre à l'économie exsangue. Les manifestations se sont rapidement transformées en contestation contre le pouvoir du général Béchir, qui a dirigé le pays d'une main de fer pendant près de trois décennies avant sa destitution et arrestation par l'armée le 11 avril.
Epicentre de la contestation, un sit-in de milliers de manifestants installés depuis le 6 avril devant le QG de l'armée à Khartoum pour réclamer un pouvoir civil, a été brutalement dispersé le 3 juin.
Depuis cette date, la répression a fait environ 140 morts, dont une centaine dans la seule dispersion du sit-in, selon un comité de médecins proche de la contestation. Les autorités parlent de 71 morts.
Des dizaines d'autres personnes avaient été auparavant tuées dans la répression des manifestations depuis décembre.
Selon l'accord signé mercredi après de difficiles négociations, un Conseil souverain composé de cinq militaires et six civils sera chargé de mener la transition pendant un peu plus de trois ans. Les militaires présideront cette instance pendant les premiers 21 mois, les civils prendront la relève pour les 18 mois restants.
Pour Ammar Zubeir, un manifestant à Khartoum, les manifestations ont pour but d'accentuer la "pression avant la rencontre" de vendredi.
Parmi les questions en suspens figurent "l'immunité absolue" réclamée par les généraux au pouvoir en lien avec la répression des rassemblements, une demande inacceptable pour les représentants de la contestation.
- "Trop de concessions" -
Restent aussi la question de la création d'un Parlement de transition et celle du retrait des milices encore présentes à Khartoum et dans d'autres villes.
L'Alliance pour la liberté et le changement (ALC), fer de lance de la contestation, "a déjà fait trop de concessions", selon Safaa Moudawi, une manifestante. "Nous leur demandons de ne pas faire plus".
Dans un communiqué commun, les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la Norvège ont appelé les parties à "conclure rapidement l'accord constitutionnel" et à "former un gouvernement de transition dirigé par des civils, ce que le peuple soudanais réclame pacifiquement et avec courage depuis décembre 2018".
Le futur gouvernement civil "s'emploiera à réaliser les aspirations du peuple soudanais pour la paix, la justice et le développement", ont-ils estimé.