La Chine, qui contrôle étroitement le cours de sa monnaie, l'a laissée chuter face au dollar lundi et une douzaine d'heures plus tard, les Etats-Unis ont officiellement accusé Pékin de manipuler sa monnaie pour s'arroger un avantage indu en rendant ses produits moins chers à l'exportation.
Après l'action de Pékin, le yuan a franchi dans la journée le seuil symbolique des 7 yuans pour un dollar, le niveau le plus bas depuis 11 ans.
La nouvelle --vue comme une escalade dans la guerre commerciale entre les deux premières économies mondiales-- a provoqué une chute généralisée sur les places financières en Asie, en Europe et finalement aux Etats-Unis.
Les trois grands indices de Wall Street ont enregistré leur pire journée de l'année: le Dow Jones Industrial Average a perdu 2,90%, le Nasdaq, à forte coloration technologique, a cédé 3,47%, et l'indice élargi S&P 500 a lâché 2,98%.
La monnaie chinoise n'est pas entièrement convertible et la Banque centrale chinoise fixe chaque jour un taux pivot, qui s'inscrivait lundi en repli de 0,33% par rapport à vendredi.
Toutefois, les mouvements de la devise laissent à penser que la Banque centrale serait intervenue pour calmer les marchés.
Dans un communiqué, l'institution a assuré avoir "l'expérience, la confiance et la capacité de maintenir le taux de change du yuan à un niveau raisonnable et équilibré".
- Contre-attaque américaine -
Washington a contre-attaqué lundi soir. Le secrétaire américain au Trésor Steven Mnuchin, "sous les ordres du président Donald Trump, a conclu que la Chine avait manipulé sa devise", peut-on lire dans un communiqué.
"Résultant de cette détermination (que la Chine manipule sa devise), le secrétaire Mnuchin va discuter avec le Fonds monétaire international pour éliminer l'avantage compétitif créé par les récentes décisions chinoises", poursuit le texte.
Dans la matinée, sur Twitter, le président américain avait déjà dénoncé la Chine, qui "a l'intention de continuer à toucher des milliards de dollars pris aux Etats-Unis grâce aux pratiques commerciales déloyales et à la manipulation de la monnaie".
L'annonce du Trésor ne devrait pas avoir de conséquences concrètes immédiates, mais elle devrait contribuer un peu plus à l'inquiétude des investisseurs et des entreprises qui essayent de jauger l'impact que peut avoir un affrontement durable entre Pékin et Washington sur leurs affaires.
Autre conséquence des tensions sino-américaines, l'agence officielle Chine nouvelle a annoncé dans la nuit de dimanche à lundi que les entreprises chinoises avaient cessé d'acheter des produits agricoles en provenance des Etats-Unis.
Les décisions de Pékin venaient en réaction à la menace de Donald Trump en fin de semaine dernière d'imposer des droits de douane supplémentaires à la quasi-totalité des importations chinoises à compter du 1er septembre, malgré la reprise de négociations commerciales de haut niveau entre les deux pays, qui étaient au point mort depuis le printemps.
La Chine et les Etats-Unis sont engagés depuis plus d'un an dans un bras de fer commercial qui s'est traduit par l'imposition réciproque de droits de douane punitifs.
Une baisse du yuan favorise les exportations chinoises et atténuerait l'impact de la hausse des droits de douane américains sur les produits chinois.
"Le gouvernement chinois peut être tenté d'autoriser une dépréciation supplémentaire du yuan pour soutenir sa croissance" au moment où les perspectives économiques du géant asiatique s'assombrissent du fait de la guerre commerciale, estime Ken Cheung, stratège à Mizuho Bank.
Pékin s'efforçait jusqu'ici de soutenir sa monnaie "pour ne pas compromettre" les pourparlers commerciaux avec les Etats-Unis, relève Julian Evans-Pritchard, du cabinet Capital Economics.
Laisser filer la devise sous les 7 yuans montre que les autorités chinoises "ont pratiquement abandonné tout espoir d'un accord commercial" avec Washington, estime-t-il.
- Une riposte -
Donald Trump a relancé jeudi la guerre commerciale contre Pékin en annonçant son intention d'étendre des droits de douane supplémentaires à la quasi-totalité des importations en provenance de Chine à compter du 1er septembre.
Les Etats-Unis reprochent à la Chine d'être largement responsable de leur énorme déficit commercial. Ils réclament à Pékin des réformes structurelles pour interdire par exemple les subventions aux entreprises publiques, les transferts de technologie imposés aux entreprises étrangères et le "vol" de la propriété intellectuelle américaine. Ils exigent aussi l'achat de davantage de produits américains, notamment agricoles.
Mais en représailles aux dernières menaces de Donald Trump, Pékin a demandé à ses entreprises publiques de cesser l'achat de produits agricoles américains.
Dans sa riposte à Washington, la Chine viserait ainsi les agriculteurs américains, très dépendants du marché chinois et qui constituent une importante base électorale pour Donald Trump à l'approche de la présidentielle de 2020.
Avec AFP