Fondé sur des entretiens avec des migrants éthiopiens expulsés d'Arabie Saoudite, le rapport documente l'exploitation, les violences et les trafics auxquels les migrants sont assujettis dès lors qu'ils entament la traversée de la mer Rouge ou du golfe d'Aden pour gagner la péninsule arabique.
L'organisation de défense des droits de l'homme ajoute que les autorités éthiopiennes, yéménites et saoudiennes ferment largement les yeux sur les abus commis par les trafiquants ou les forces de l'ordre contre les candidats à l'immigration.
Ces mêmes autorités ne sont pas parvenues non plus à faciliter le retour de centaines de milliers d'Ethiopiens expulsés d'Arabie Saoudite depuis 2017.
"De nombreux Ethiopiens qui voulaient croire en une vie meilleure en Arabie Saoudite sont confrontés à des dangers innommables lors de leur voyage, y compris celui de mourir pendant la traversée, ainsi qu'à la torture et à toutes sortes d'abus", souligne Felix Horne, chercheur pour l'Afrique chez HRW.
"L'Arabie saoudite a sommairement renvoyé à Addis Abeba des centaines de milliers d'Ethiopiens qui n'ont que des dettes et des traumatismes à montrer" à leurs proches, poursuit le chercheur.
Les Ethiopiens ont longtemps considéré l'Arabie saoudite comme une échappatoire à la pauvreté et à l'autoritarisme du régime d'Addis Abeba, espérant y trouver du travail bien qu'en situation irrégulière.
Pour y arriver, ils doivent prendre place à bord d'embarcations surchargées qui menacent de chavirer à tout moment pendant la traversée qui peut durer jusque 24 heures.
Un survivant a raconté à HRW comment des passeurs avaient jeté par-dessus bord plus de 20 migrants, pour alléger le bateau dans lequel ils se trouvaient.
"Le bateau était en difficulté, avec des vagues qui venaient se cogner dessus. Il était surchargé et sur le point de couler et c'est pourquoi ils (les passeurs) ont choisi des passagers et les ont jetés à la mer. Environ 25", a rapporté le témoin.
Une fois au Yémen, les migrants peuvent être la proie de trafiquants, dont certains sont eux-mêmes Ethiopiens, qui pratiquent l'enlèvement contre rançon.
Le passage en Arabie saoudite implique de déjouer les patrouilles des gardes-frontières qui n'hésitent pas à ouvrir le feu à vue, faisant de nombreuses victimes parmi les candidats à l'immigration, selon HRW.
"A la frontière, il y a beaucoup de corps en décomposition. C'est comme un cimetière", a ainsi témoigné un migrant éthiopien de 26 ans.
En dépit des risques, environ un demi-million d'Ethiopiens se trouvaient en Arabie saoudite lorsque Ryad a lancé en 2017 une campagne contre l'immigration clandestine, selon l'Organisation internationale pour les migrations.
Près de 10.000 Ethiopiens ont ainsi été expulsés chaque mois entre mai 2017 et mars 2019.
Tandis que la communauté internationale aide l'Ethiopie à accompagner des migrants expulsés d'Europe, ceux renvoyés d'Arabie saoudite ne peuvent compter que sur eux-mêmes.
Contacté par l'AFP, le ministère éthiopien des Affaires étrangères n'a pas souhaité réagir au rapport d'HRW.