"J'attends qu'il y ait de la mobilisation à tous les coins de rue" samedi pour "marquer le début d'un changement" en République démocratique du Congo car "cette marche, c'est le début d'un grand processus", a déclaré M. Lumumba, petit-neveu du héros de l'indépendance congolaise Patrice Lumumba et ancien cadre bancaire à Kinshasa, ayant fui son pays en 2016 après avoir mis au jour des malversations présumées.
Mais "j'appelle à marcher dans le calme, dans la non-violence, car la violence ne construit pas", a ajouté le financier de 33 ans, lors d'une rencontre avec l'AFP mercredi, en région parisienne.
"La société est mûre (pour se soulever contre la corruption) parce que la corrélation est faite entre la souffrance de la population et la corruption qui gangrène (...) le pays, qui en freine le développement", estime-t-il.
C'est le Comité laïc de coordination (CLC), un collectif catholique à l'origine de marches réprimées dans le sang en 2018 pour obtenir le départ de l'ex-président Joseph Kabila, qui a lancé cette croisade anticorruption.
Son appel à marcher samedi fait suite au premier grand dossier de corruption présumée depuis l'investiture le 24 janvier du président Félix Tshisekedi, issu de l'opposition: l'inspection générale des finances a révélé que quinze millions de dollars d'argent public qui devaient être versés au Trésor public, étaient partis sur un autre compte. Une affaire non "de détournement" mais de "rétrocommission", selon le président.
L'appel du CLC, que Jean-Jacques Lumumba soutient, cadre avec son propre combat contre la corruption, mené aujourd'hui au sein d'Unis, une association récemment lancée "avec des amis africains" - sénégalais, gabonais, congolais - pour ne pas se limiter à un seul pays.
"Unis a une mission capitale, notamment au plan juridique, car elle va porter plainte devant les instances nationales et internationales", affirme-t-il.
- "Soif de changements" -
"L'opinion africaine a soif de changements et les lanceurs d'alerte - une bonne dizaine aujourd'hui en Afrique --y sont bienvenus", même si "en Afrique, être lanceur d'alerte, c'est aussi risquer sa vie", ajoute-t-il.
Lui-même est devenu lanceur d'alerte, "malgré lui" reconnaît-il, après avoir prévenu la direction de la banque qui l'employait d'opérations suspectes. Il affirme avoir reçu en retour des menaces, englobant sa famille, qui l'ont poussé à fuir en 2016.
Fin 2016, il dénonçait dans la presse belge et française ces malversations présumées de son ancien employeur, la filiale congolaise d'une banque gabonaise, à l'époque dirigée par un proche de Joseph Kabila.
Il n'a eu de cesse depuis de dénoncer le "mal" de la corruption, "l'un des grands défis" du continent avec "le climat et la sécurité". Sans jamais désespérer: "La corruption zéro n'existe pas mais il est possible de réduire drastiquement les faits de corruption".
Il ne cache pas son étonnement après que le président Félix Tshisekedi a affirmé vouloir changer "les mentalités" contre la corruption, sans "règlement de comptes" et sans "fouiner" dans le passé des responsables encore aux commandes.
"Je trouve que c'est très contradictoire venant de M. Tshisekedi qui a longtemps défendu la justice (...). Cette phrase laisse beaucoup de Congolais perplexes et déçus", répond Jean-Jacques Lumumba, qui évoque "un équilibrisme politique fait pour les politiciens".
"Ceux qui sont tombés pour que la vie des Congolais s'améliore méritent la justice. Sans justice, on ne bâtira aucune paix ni aucun développement. Même en Afrique du Sud, au Rwanda, on a une réconciliation mais avec la justice pour marquer la rupture. Il faut une justice de réparation !"
Dans son discours d'investiture en janvier, Félix Tshisekedi avait promis de faire de la lutte contre la corruption une des priorités de son quinquennat et de créer une agence chargée du changement des mentalités et de lutter contre la corruption.
La RDC occupe la 161e place dans le classement de Transparency international sur la corruption publié en janvier 2019.