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Liban : le premier ministre jette l’éponge


Le Premier ministre libanais Saad Hariri, au centre, et le président chypriote Nicos Anastasiades, Chypre, 28 octobre 2017.
Le Premier ministre libanais Saad Hariri, au centre, et le président chypriote Nicos Anastasiades, Chypre, 28 octobre 2017.

Le Premier ministre libanais Saad Hariri et son gouvernement ont démissionné mardi, au 13e jour d'une révolte populaire inédite réclamant le départ de l'ensemble d'une classe politique qui a laissé couler le pays.

L'annonce télévisée de M. Hariri a été accueillie par les vivats de la foule qui l'écoutait en direct sur plusieurs lieux de rassemblement, avant que ne retentisse l'hymne national repris à pleins poumons par les manifestants.

Des feux d'artifice ont été aussitôt tirés dans Beyrouth tandis que des voitures ont sillonné la ville tous klaxons hurlants en signe de victoire.

Dabké et jus d'orange

A Saïda, la ville du sud dont est originaire M. Hariri, la foule a dansé la dabké, danse traditionnelle levantine, assortie de distribution de café et de jus d'orange.

Lors d'une brève et solennelle allocution, M. Hariri, 49 ans, a assuré avoir voulu répondre "à la volonté de nombreux Libanais qui sont descendus dans la rue pour réclamer le changement".

Il a appelé "tous les Libanais à privilégier l'intérêt du Liban (...) à protéger la paix civile et à prévenir toute détérioration de la situation économique".

Il s'est rendu dans la foulée au palais présidentiel de Baabda pour y remettre sa lettre de démission au chef de l'Etat Michel Aoun.

Après près de deux semaines d'une révolte populaire inédite dans l'histoire du Liban, les manifestants ont obtenu gain de cause sur une de leurs principales revendications. Mais leur colère vise plus globalement l'ensemble de la classe politique, jugée unanimement incompétente et corrompue.

"Tous veut dire tous", a d'ailleurs de nouveau scandé la foule après l'annonce de M. Hariri, une manière de signifier que la révolte n'est peut-être pas terminée pour autant.

Le pays reste quasiment paralysé par des barrages routiers qui bloquent les principales entrées de la capitale. Banques, écoles et université sont fermées depuis le début du mouvement. L'armée a été déployée mais elle est restée neutre.

Heurts

Trente ans après la fin de la guerre civile (1975-1990), la population souffre toujours de pénuries chroniques d'eau et d'électricité. Plus d'un quart des Libanais vit sous le seuil de pauvreté et le pays est classé parmi les plus corrompus du monde.

M. Hariri avait annoncé le 21 octobre un plan de réformes, qui n'avait pas convaincu: mesures contre la corruption, budget sans nouveaux impôts, programme de privatisations pour lutter contre le dysfonctionnement des services publics, aides en faveur des plus défavorisés...

Le chef du puissant Hezbollah pro-iranien, Hassan Nasrallah, qui dominait avec ses alliés le gouvernement, s'était opposé à une démission collective.

La colère populaire avait explosé le 17 octobre après l'annonce d'une nouvelle taxe sur les appels via la messagerie WhatsApp. La rapide annulation de la mesure n'a pas empêché la révolte de gagner l'ensemble du pays, de Tripoli au nord à Tyr au sud.

Dimanche et une démonstration inédite de force et d'unité, les manifestants ont réussi à former une chaîne humaine du nord au sud du pays, sur 170 km de long.

La décision de M. Hariri intervient alors que la situation s'était tendue ces derniers jours sur le terrain, malgré des rassemblements restés globalement festifs.

Juste avant son discours, des heurts ont éclaté à Beyrouth où des dizaines d'assaillants ont détruit les tentes érigées par les manifestants, prenant des chaises pour projectiles et attaquant avec des bâtons les manifestants qui n'avaient pas fui à leur approche.

"Encore plus grave"

Selon la presse libanaise, les capitales occidentales, notamment Paris et Washington, étaient intervenues auprès de M. Hariri pour lui demander de rester à son poste, par crainte notamment d'un regain d'influence du Hezbollah à la faveur d'un chamboulement politique.

Dans une première réaction, le chef de la diplomatie française Jean-Yves Le Drian a d'ailleurs estimé que la démission de Hariri rendait "la crise encore plus grave".

Durant tout le soulèvement, les manifestants ont privilégié les mêmes slogans: "Révolution, révolution! "Tous, cela veut dire tous", et "Le peuple veut la chute du régime".

L'actuel gouvernement est le troisième dirigé par M. Hariri à tomber, depuis son accession au pouvoir en 2009.

Longtemps soutenu par l'Arabie saoudite, il est le fils du milliardaire et ancien Premier ministre Rafic Hariri assassiné dans un attentat à Beyrouth en 2005.

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