"Des poursuites sont exercées contre des compatriotes pour des faits de détournement de deniers publics et blanchiment de capitaux", a annoncé jeudi soir le procureur de Libreville, André Patrick Roponat, à la télévision nationale.
En tout, seize personnes ont été présentées devant un juge mercredi. Huit ont été placées en détention préventive, et d'autres en liberté provisoire, a ajouté le procureur.
Ces dernières semaines, une vague d'interpellations sur fond de soupçons de corruption et de malversations financières secouent le Gabon. Elles ont commencé après le limogeage de M. Laccruche à la direction du cabinet du président Ali Bongo Ondimba.
Il occupait ce poste depuis plus de deux ans, et il n'avait cessé de gagner en influence après un accident vasculaire cérébral (AVC) de M. Bongo en octobre 2018.
Ce pouvoir grandissant a suscité de très nombreuses critiques, notamment au moment où M. Laccruche plaçait plusieurs de ses proches à des postes clés. Il a depuis été nommé à la tête d'un ministère à l'intitulé singulier: celui du suivi de la "Stratégie des investissements humains et des objectifs de développement durable".
Au coeur de l'enquête en cours figure la gestion d'une entreprise publique, la Gabon Oil Compagny (GOC), où 85 milliards de francs CFA (129 millions d'euros) se seraient "volatilisées", selon un article publié mercredi par le quotidien pro-gouvernemental l'Union.
L'administrateur-directeur général de cette entreprise, Patrichi Tanasa, proche de M. Laccruche, fait partie des personnes incarcérées, a confirmé à l'AFP son avocat Jean Paul Moubembe.
L'enquête de l'Union cible notamment la Dupont Consulting Compagny, une société privée ayant passé plusieurs contrat avec la GOC, dont l'administrateur se trouve être le frère de M. Laccruche, Gregory Laccruche. Il a été interpellé mercredi mais ne fait pas partie des personnes présentées devant un juge jeudi, a indiqué à l'AFP une source proche du pouvoir.
- Opération Mamba -
De même, le porte-parole de la présidence, Ike Ngouoni, le bras droit de M. Laccruche, a été arrêté jeudi dernier, mais est toujours en garde à vue.
Plusieurs avocats des personnes interpellées ont dénoncé une "vendetta politique" et la presse d'opposition parle, elle, d'"une chasse aux sorcières".
De son côté, la présidence a appelé à "dépolitiser" l'enquête. "Quelle que soit votre place, s'il y a des soupçons, il n'y a pas d'impunité. Maintenant c'est à la justice de faire son travail, de trancher", a déclaré Jessye Ella Ekogha, qui remplace M. Ngouoni.
Selon lui, il s'agit surtout de la suite de l'opération Mamba, lancée en 2017 par le président pour lutter contre la corruption.
Vendredi, Ali Bongo Ondimba a présidé un conseil extraordinaire de la magistrature, une première en dix ans au pouvoir. Dans la foulée, le procureur de Libreville Olivier N'Zahou a perdu sa place au tribunal de première instance de Libreville pour être envoyé comme avocat général à Franceville, à l'autre bout du pays.
- Un procureur qui se cache -
"Aujourd'hui, M. N'Zahou se cache car il est suivi et il a l'impression qu'on veut en finir avec lui", assure son avocat Me Nzigou.
La présidence a également procédé à plusieurs changements à des postes clés des services de renseignement et de sécurité ces derniers jours.
Face à ce bouleversement de la vie politique gabonaise, une partie de l'opposition continue d'affirmer que le président Bongo n'est plus en capacité de diriger le pays.
Le collectif d'opposants Appel à agir, qui demande une expertise sur la santé du président depuis mars, estime que "les impostures se succèdent à la tête du pays". Il dénonce "une monarchisation" du Gabon, affirmant que les récents bouleversements témoignent du "pouvoir grandissant de l'épouse et du fils d'Ali Bongo".
"Parler d'inaptitude alors que le président a présidé un Conseil supérieur de la magistrature il y a quelques jours ne peut être pris au sérieux", rétorque le porte-parole de la présidence par intérim.
Avec AFP