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A Abidjan, Macron acte la fin du franc CFA, vestige de la Françafrique


Le président français Emmanuel Macron (L) salue son homologue ivoirien, le président Alassane Ouattara, en marge d'une conférence de presse au Palais présidentiel à Abidjan le 21 décembre 2019.
Le président français Emmanuel Macron (L) salue son homologue ivoirien, le président Alassane Ouattara, en marge d'une conférence de presse au Palais présidentiel à Abidjan le 21 décembre 2019.

Emmanuel Macron s'est posé samedi à Abidjan en défenseur d'une relation "décomplexée" de la France avec l'Afrique en annonçant la fin prochaine du franc CFA, l'un des derniers vestiges de la "Françafrique", et appelant à "bâtir une nouvelle page" après le "colonialisme" qui fut "une faute de la République".

"L'Eco verra le jour en 2020, je m'en félicite", a déclaré le président français en citant le nom de la monnaie commune qui doit remplacer le franc CFA dans huit pays francophones de l'Afrique de l'Ouest.

Il a acté cette "réforme historique majeure" avec son homologue ivoirien Alassane Ouattara, qui a détaillé l'accord conclu entre les huit pays qu'il représentait (Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée-Bissau, Mali, Niger, Sénégal et Togo), et la France.

Prendra ainsi fin la longue histoire du "franc des colonies françaises d'Afrique", créé en 1945, qui est devenu le "franc de la Communauté financière africaine" après les indépendances des années 1960.

Mais le franc CFA était "perçu comme l'un des vestiges de la Françafrique", a reconnu Emmanuel Macron, en indiquant avoir "entendu" les critiques ayant enflé ces dernières années au sujet de cette monnaie.

Alassane Ouattara, un ancien économiste, a indiqué que la réforme comprenait, outre le changement de nom, "l'arrêt de la centralisation de 50% des réserves" des pays concernés au Trésor français et le retrait de la France des "instances de gouvernance dans lesquelles elle était présente".

Emmanuel Macron a dit "assumer" la nouvelle situation que ces changements créaient pour la France en Afrique de l'ouest, son ancien pré carré, avec laquelle Paris doit "bâtir une relation nouvelle, à la fois passionnée et décomplexée". Il a ainsi repris les principaux axes du discours "fondateur" sur les relations franco-africaines qu'il avait prononcé à Ouagadougou quelques mois après son élection en 2017.

L'abandon du CFA et cette relation nouvelle pourraient, selon lui, changer l'image de la France: "Trop souvent aujourd'hui la France est perçue" comme ayant "un regard d'hégémonie et des oripeaux d'un colonialisme qui a été une erreur profonde, une faute de la République", a-t-il déclaré. En 2017, alors candidat à la présidence, M. Macron avait créé une polémique en parlant de "crime contre l'humanité".

Avec la star Drogba

Toute la journée, il a pris comme exemple les "excellentes" relations qu'entretiennent la France et la Côte d'Ivoire actuellement, après avoir surmonté les épisodes particulièrement orageux liés à la longue crise politico-militaire ivoirienne des années 2000.

Pour cela, Emmanuel Macron a mouillé la chemise, sous un soleil brûlant, en allant à la rencontre de milliers de gamins d'un quartier populaire d'Abidjan sur le terrain de foot et les tatamis d'un complexe sportif construit et financé avec l'aide de la France.

"Le sport n'est pas seulement un moyen de se dépenser physiquement, il transmet des valeurs comme l'inclusion sociale, le respect, le partage", a déclaré Didier Drogba, l'ancienne star de Marseille et Chelsea, qui a accompagné le président français.

La visite a permis de relancer deux dossiers emblématiques des relations franco-ivoiriennes. Le premier est le métro d'Abidjan, un projet titanesque de 1,5 milliard d'euros financé par la France, dont Emmanuel Macron avait posé la première pierre en 2017.

L'autre priorité est la construction de l'Académie internationale de lutte contre le terrorisme (AILCT), près d'Abidjan, qui doit être un centre de formation de référence dans la lutte contre les groupes jihadistes au Sahel.

"Clarté" au Sahel

Au risque des les froisser encore, le président français a une nouvelle fois réclamé de la clarté aux gouvernements sahéliens sur la présence militaire française dans la zone à l'occasion du sommet qu'il organise avec eux le 13 janvier à Pau (sud-ouest de la France).

"Si cette clarté politique n’est pas établie, la France dans certains pays en tirera toutes les conséquences", a-t-il averti. Cette avertissement vise en particulier le Mali et le Burkina Faso.

En parallèle, le président malien Ibrahim Boubacar Keïta a déclaré samedi sur TV5 que les pays unis dans la force militaire G5 Sahel souhaitaient "un partenariat respectable et respectueux".

Le président français fera dimanche une étape à Niamey pour rendre hommage aux 71 soldats nigériens ayant récemment péri dans l'attaque d'un camp militaire, mais aussi pour préparer avec le président Mahamadou Issoufou le sommet de Pau.

Avant cela, il se rendra à Bouaké, deuxième ville de Côte d'Ivoire, pour lancer les travaux d'un grand marché et rendre hommage aux 9 soldats français tués en 2004 lors d'un raid aérien de l'armée ivoirienne, un dossier qui garde de nombreuses zones d'ombre.

Cette visite se déroule dans un climat politique ivoirien tendu à l'approche de la présidentielle d'octobre 2020.

Evoquant devant une partie des 22.000 Français vivant dans le pays les "appréhensions" suscitées par ce scrutin, Emmanuel Macron s'est déclaré "confiant dans la volonté et la capacité du peuple ivoirien à franchir dans la paix, cette étape importante pour la démocratie ivoirienne".

Agé de 77 ans, Alassane Ouattara entretient le mystère sur une éventuelle candidature à un troisième mandat. Il a annoncé qu'il serait candidat si ses rivaux historiques, les ex-présidents Laurent Gbagbo et Henri Konan Bédié, se présentaient.

Les Ivoiriens gardent en mémoire le souvenir de la crise post-électorale de 2010-2011 qui avait fait 3.000 morts.

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