Avec une large majorité de 178 voix pour --sur un total de 217 députés--, lors d'un vote en plénière partiellement menée en visioconférence, le Parlement a confié temporairement une partie de ses pouvoirs au chef du gouvernement, pour la première fois en Tunisie depuis l'adoption de la Constitution en 2014.
L'article 70 de la Constitution permet en effet "pour un motif déterminé", de "déléguer au chef du gouvernement pour une durée déterminée, qui ne dépasse pas les deux mois, le pouvoir de prendre des décrets-lois".
"C'était nécessaire car c'est l'exécutif qui doit prendre les rênes pour amender rapidement la loi de finances par exemple, ou modifier les procédures pénales pour respecter le confinement et durcir la loi punissant la spéculation", a expliqué à l'AFP Nessryne Jelalia, directrice de l'ONG qui surveille l'activité du Parlement, Al Bawsala.
"Il faudra voir concrètement si les mesures qui seront prises (par M. Fakhfakh) seront proportionnelles et nécessaires", a-t-elle ajouté.
A l'issue des deux mois, les textes adoptés sans le vote du Parlement seront soumis a posteriori "à l'approbation de l'Assemblée".
Lors de l'examen au préalable du texte en commission, les députés avaient initialement limité à un mois la délégation de pouvoir à M. Fakhfakh, signe des fortes défiances entre les pouvoirs.
Pour le Courant démocrate (centre gauche) qui a 22 sièges, l'article 70 "vise à doter le gouvernement de la flexibilité nécessaire pour mettre en place les mécanismes à même de contrer la propagation du coronavirus", selon un communiqué.
Certains députés ont exprimé leur rejet de ce projet de loi, craignant une centralisation du pouvoir exécutif.
Depuis début mars, 553 cas dont 19 décès dus au nouveau coronavirus ont été officiellement déclarés en Tunisie, où un confinement général a débuté le 22 mars et doit être en vigueur jusqu'au 19 avril.
M. Fakhfakh, 47 ans, est un ancien ministre des Finances et ancien cadre d'une filiale du groupe pétrolier français Total. Issu d'une petite formation social-démocrate, il a rassemblé dans son gouvernement des représentants de nombreux partis parlementaires et des technocrates.
La Tunisie est le seul des pays secoués par les soulèvements du printemps arabe en 2011 à continuer sur la voie de la démocratisation.