Depuis le début du mois, 59 personnes ont péri et une centaine d'autres ont été blessées au cours d'affrontements dans différentes régions, compliquant la tâche des autorités de transition.
Arrivé au pouvoir en août 2019 après la chute du régime autocratique de M. Béchir sous la pression de la rue, le gouvernement militaro-civil fait déjà face à plusieurs défis de taille, notamment l'économie désastreuse héritée de décennies de mauvaise gestion.
Avec la réconciliation nationale comme priorité, le Premier ministre Abdallah Hamdok a lancé l'an dernier des négociations de paix avec les groupes rebelles.
Dès mars, l'ONU a appelé à la fin des affrontements intercommunaux, moins intenses cependant que par le passé.
Mais le 7 mai, des affrontements entre la tribu arabe des Rizeigat et celle des Falata, originaire d'Afrique de l'Ouest, pour un vol de bétail, ont fait 30 morts.
Trois jours plus tard, trois personnes ont péri, 79 ont été blessées et des maisons ont été incendiées dans des heurts entre les Bani Amer et la tribu des Nouba dans la ville de Kassala (est), près de la frontière érythréenne.
Le 13 mai, c'était au tour de Kadougli, la capitale du Kordofan-Sud (sud), de connaître un épisode meurtrier, avec 26 morts et 16 blessés.
- "Culture de guerre" -
Le Soudan, pays composé de multiples groupes ethniques, a connu de nombreux épisodes de violences intercommunautaires et tribales depuis son indépendance en 1956.
Le conflit au Darfour (sud-ouest), entre forces du régime de M. Béchir à majorité arabe et insurgés issus de minorités, a été le plus meurtrier de tous. Depuis 2003, environ 300.000 personnes ont été tuées et plus de 2,5 millions ont été déplacées, selon l'ONU.
Pour des experts régionaux et des sources tribales, la récente vague de violences révèle surtout l'incapacité du nouveau gouvernement de Khartoum à exercer son contrôle sur la totalité du territoire.
Marginalisées, les tribus nomades du Soudan, qui se déplacent avec leurs troupeaux de bovins ou de chameaux sur des terres arides, se battent souvent pour les rares pâturages, du bétail ou des ressources en eau.
Et les tensions n'ont cessé de s'exacerber depuis la sécession du Soudan du Sud en 2011 et le soulèvement populaire de 2019.
"Une culture de la guerre s'est accentuée avec la prolifération d'armes illégales et le nombre de milices a augmenté", estime l'analyste politique Mahgoub Saleh.
Plus cyniques, certains attribuent les massacres à des volontés externes de diviser la population.
"Nos relations avec les Rizeigat sont solides depuis des décennies mais certains sèment la discorde", accuse Youssef al-Samani, membre de la tribu des Falata.
Pour Saleh Hussein, un habitant de Kassala, une "tierce partie (...) a intérêt à semer le trouble et alimenter le conflit".
- "Saboter la sécurité"-
Le puissant général Mohamed Hamdan Daglo, membre du Conseil souverain de transition connu sous le nom de "Hemedti" et chef des Forces de soutien rapides (RSF), a lui-même affirmé que ces heurts participaient d'un "projet ancien" visant "non seulement les RSF à Khartoum, mais aussi la destruction du Soudan".
Les RSF, groupe paramilitaire issu de la milice des "janjawids", sont accusées d'avoir commis des crimes de guerre au Darfour pour le compte d'Omar el-Béchir.
Pour le politologue Nour Hamad, les partisans de l'ex-autocrate s'appliquent aujourd'hui à jeter de l'huile sur le feu des divisions intercommunautaires.
"Quiconque ayant observé la situation sécuritaire ces derniers mois voit clairement que certains essaient de saboter la sécurité et la stabilité" du pays, juge-t-il.
Sous M. Béchir, les conflits tribaux prenaient place dans des "zones rurales reculées (...) mais ils ont gagné les zones urbaines aujourd'hui", menaçant la réussite des négociations de paix déjà à l'arrêt, selon un expert en sécurité, sous couvert d'anonymat.
Et les différentes tribus parviennent à s'armer sans difficulté via le florissant marché transfrontalier d'armes avec l'Ethiopie et l'Erythrée, ce qui souligne la faible autorité de Khartoum, d'après la même source.