"Nous venons de déposer notre dossier de recours à la Cour constitutionnelle", a déclaré M. Rwasa, chef du Conseil national pour la liberté (CNL), à la sortie, affirmant avoir "produit des preuves qu'il y a eu une fraude massive".
"Il y a tellement d'irrégularités, il y a des erreurs monumentales qui se remarquent un peu partout dans le pays. Il n'y a pas de colline épargnée", a-t-il ajouté promettant de se tourner vers la Cour de justice de l'Afrique de l'Est (EACJ) si ce recours était rejeté.
M. Rwasa a plusieurs fois dit ne se faire guère d'illusions sur l'issue de la procédure, devant la Cour qui avait validé la réélection du président Pierre Nkurunziza en 2015.
Son président, Charles Ndagijimana, est un ancien Imbonerakure, la ligue de jeunesse du parti au pouvoir (CNDD-FDD), utilisée depuis 2015 par le régime pour réprimer l'opposition.
En 2015, la candidature de M. Nkurunziza à un troisième mandat controversé avait plongé le pays dans une crise politique majeure, qui a fait au moins 1.200 morts et poussé à l'exode quelque 400.000 Burundais.
La Cour constitutionnelle a huit jours à compter du dépôt pour statuer sur le recours, avant de proclamer les résultats définitifs des élections présidentielle, législatives et communales du 20 mai.
Le général Ndayishimiye a été déclaré lundi vainqueur de la présidentielle par la Commission électorale, avec 68,72% des voix, très loin devant M. Rwasa (24,19%).
Le CNL a aussitôt dénoncé une "mascarade électorale", dressant la longue liste des irrégularités commises selon lui par le pouvoir, qui aurait fait pression sur les assesseurs de l'opposition et les électeurs, et multiplié les fraudes.
De nombreux témoins dans tout le pays et des journalistes burundais ont confirmé à l'AFP la validité de certaines de ces accusations.
- "Politique du fait accompli" -
L'Église catholique leur a aussi donné du poids en déplorant mardi "beaucoup d'irrégularités quant à la liberté et la transparence du processus électoral".
Elle a dénoncé entre autres "la contrainte exercée sur certains mandataires à signer d'avance le dépouillement du contenu des urnes, le bourrage de certaines urnes, le vote à la place de défunts et de réfugiés, les procurations multiples et donc invalides, le fait qu'il y ait eu dans certains bureaux de vote des électeurs qui ont voté plus d'une fois".
L'Église catholique, la première dans ce pays de quelque 11 millions d'habitants, avait déployé 2.716 observateurs le jour du scrutin. Aucune mission d'observation étrangère n'avait été accréditée par le gouvernement.
Sa prise de position contraste avec un communiqué publié mercredi par les diplomates en poste au Burundi, qui appelle seulement les Burundais à résoudre leurs différends "à travers les procédures légales existantes", sans mention d'éventuelles irrégularités.
La Chine, l'ONU et des pays africains comme le Kenya ou l'Afrique du Sud voulaient se contenter de féliciter le CNDD-FDD, quand d'autres, dont la France, la Belgique, l'Union européenne et les États-Unis, entendaient se montrer plus critiques, même s'ils sont prêts à collaborer avec M. Ndayishimiye, selon une source diplomatique ayant requis l'anonymat.
Ce communiqué est le résultat d'un compromis a minima pour faire passer le message qu'ils "ne soutiendront pas toute partie qui voudrait recourir à la violence", a ajouté cette source.
Aimé Magera, porte-parole à l'international du CNL, a dénoncé un texte à l'aspect "flou et ambigu susceptible d'être interprété comme un soutien tacite au coup d'Etat de ce (lundi) 25 mai".
"Ce genre d'attitude qui a caractérisé la communauté internationale depuis 15 ans a surtout renforcé le CNDD-FDD dans sa politique du fait accompli, de forcing et d'impunité", a-t-il déclaré à l'AFP.
Le calme a globalement prévalu le jour du scrutin et depuis lors, après une campagne émaillée de violences et d'arrestations.
Mais le CNL a dénoncé une véritable "chasse à l'homme" dans tout le pays à l'égard de ses sympathisants. Selon lui, près de 600 d'entre eux ont été arrêtés depuis avril, dont 400 sont toujours en détention.
Selon plusieurs témoignages recueillis par l'AFP, les Imbonerakure ont commencé à s'en prendre en plusieurs endroits du pays aux gens soupçonnés d'avoir voté pour le CNL.
Si le recours est rejeté, le général Ndayishimiye, 52 ans, sera investi en août pour un mandat de sept ans renouvelable une fois. Il succédera ainsi à M. Nkurunziza, au pouvoir depuis 2005, qui ne se représentait pas et l'avait adoubé comme son "héritier".