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La CPI pourra-t-elle riposter face aux États-Unis?


La CPI à La Haye le 7 novembre 2019.
La CPI à La Haye le 7 novembre 2019.

La Cour pénale internationale, "tribunal bidon" pour Washington, doit prouver sa crédibilité en jugeant des affaires impliquant les grandes puissances de ce monde, y compris les Etats-Unis, observent des experts, au lendemain d'une escalade virulente.

Déjà engagé dans une offensive sans précédent contre la CPI, fondée en 2002 pour juger les pires atrocités commises à travers le monde, le président américain Donald Trump a encore haussé le ton jeudi en annonçant des sanctions économiques pour dissuader la juridiction de poursuivre des militaires américains pour leur implication dans le conflit en Afghanistan.

Il s'agit d'une riposte directe à la décision en appel prise en mars par la juridiction qui siège à La Haye, aux Pays-Bas, d'autoriser l'ouverture d'une enquête pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité en Afghanistan, malgré l'opposition de l'administration américaine.

"L'avenir de la Cour dépend de sa volonté de juger les +affaires difficiles+ impliquant des pays puissants, comme les États-Unis, Israël, la Russie et le Royaume-Uni", estime William Schabas, professeur de droit international à l'Université de Leiden.

Les Etats-Unis, Israël, la Russie ou encore la Chine ne sont pas des Etats parties de la CPI, mais celles-ci peut engager des poursuites contre leurs ressortissants pour des crimes présumés commis sur le territoire d'un Etat partie.

- "S'attaquer aux forts" -

"Pendant trop longtemps, les travaux (de la CPI) ont été dirigés vers les pays en développement et les États parias. Rendre une justice égale pour tous signifie qu'elle peut s'attaquer aux forts comme aux faibles", poursuit M. Schabas auprès de l'AFP.

Selon ce professeur, "il ne fait aucun doute que l'administration Trump est hostile à la plupart des institutions internationales, mais surtout à celles qu'elle ne peut ni dominer ni contrôler", un aspect dont Washington est "mécontent" depuis l'adoption du Statut de Rome, le texte fondateur de la CPI, un traité entré en vigueur en 2002 et ratifié depuis par plus de 120 pays.

Les Etats-Unis voient également avec inquiétude une éventuelle enquête sur les actes de son important allié, Israël, qui pourrait faire l'objet d'investigations pour crimes de guerre en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, note M. Schabas.

La Maison Blanche a en outre dénoncé "la corruption" aux "plus hauts niveaux" de la juridiction de La Haye. Une "calomnie", estime M. Schabas, "le genre de +fake news+ dont le président américain se nourrit".

La Fédération des droits de l'homme (FIDH) estime qu'il "appartient désormais aux États membres de la CPI de traduire leurs déclarations de soutien en actes", ce qui implique "une pleine coopération avec la Cour dans ses enquêtes".

- "Vague de solidarité" -

La Cour doit poursuivre son travail "sans se laisser dissuader par les intimidations et les obstructions américaines", déclare Amal Nassar, représentante de la FIDH auprès de la CPI.

Les sanctions américaines "ne menacent pas l'existence de la Cour en tant que telle", observe Carsten Stahn, également professeur de droit international à l'Université de Leiden.

"Curieusement, les attaques politiques des Etats-Unis peuvent se retourner contre eux car elles peuvent créer une nouvelle vague de solidarité à un moment où la CPI fait l'objet d'efforts de réforme internes", analyse-t-il.

Car si la CPI a notamment condamné des chefs de guerre congolais et un jihadiste malien, elle a aussi échoué dans ses dossiers les plus emblématiques.

Le bureau du procureur a en particulier été fragilisé par l'acquittement de l'ex-président ivoirien Laurent Gbagbo et l'ancien vice-président congolais Jean-Pierre Bemba.

Pendant ce temps, le chef d'Etat soudanais Omar el-Béchir, accusé de génocide et de crimes de guerre lors du conflit au Darfour, échappe depuis des années à la justice internationale. Des Etats membres de la Cour ont même refusé de l'arrêter sur leur sol.

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