L’effet combiné de la pandémie du nouveau coronavirus, des chocs climatiques et des conflits a fait sombrer 26 millions de personnes en détresse alimentaire en Afrique de l'Ouest et du Centre, a déclaré jeudi un expert du Programme alimentaire mondial (PAM).
Ce chiffre représente une forte augmentation par rapport au niveau habituellement observé dans la région, selon Alexandre Lecuziat, conseiller principal des urgences pour le compte de l’agence onusienne depuis son bureau de Dakar.
"Avant que la crise n'arrive, 2020 était déjà une année record avec le nombre de personnes en insécurité alimentaire autour de 20 millions, ce qui en faisait une des pires années, voire la pire depuis 10 ans", souligne M. Lecuziat. "Les dernières estimations donnent une analyse projetée d'à peu près 26 millions de personnes", précise-t-il.
Le premier cas positif de coronavirus en Afrique subsaharienne a été enregistré au Nigeria en février. Depuis lors, le virus s'est propagé à peu près partout sur le continent. À ce jour, il a infecté près de 2,2 millions de personnes et en a tué plus de 52 000, selon le Centre africain de contrôle et de prévention des maladies.
En novembre, un rapport de l'Office international des migrations a constaté qu'au Burkina Faso, le nombre des déplacés a franchi la barre du million en août. La crise du Sahel a également généré 287 496 déplacés au Mali et 265 505 au Niger. Sécheresse, inondations, violences jihadistes ou intercommunautaires y ont tous contribué. "Le Covid est venu exacerber les vulnérabilités de ces gens-là", explique M. Lecuziat.
La situation des enfants en âge scolaire est particulièrement préoccupante.
Avant la pandémie, le PAM nourrissait 2,3 millions d’enfants camerounais au quotidien à travers les cantines scolaires. Mais l'effet combiné du virus et des actes de violence dans la zone anglophone et près du Lac Tchad a fait chuter le nombre de bénéficiaires. "En avril, le nombre a chuté à 500 000 enfants", déplore l’expert du PAM.
Dans certains cas, comme au Libéria, le PAM fournit aux écoliers des repas à emporter. Mais même là, un manque de financement se fait déjà sentir, selon une analyse récente de l'agence. Environ 90 000 enfants risquent de manquer de nourriture d'urgence.
Dans l’immédiat, Alex Lecuziat prévoit un déficit de financement de 600 millions de dollars au cours des six prochains mois. L’écart se creuse davantage à long terme. "Au niveau global on a un besoin qui se chiffre à 10 milliards de dollars", explique-t-il.
En plus des effets dévastateurs sur le plan de la nutrition, le manque de financement des cantines scolaires va inévitablement frapper de plein fouet les communautés, vu que le PAM s’approvisionne généralement auprès des locaux.
"On essaie de faire en sorte que malgré les freins et malgré l'impact de la Covid sur ces populations, et dans la mesure de nos moyens, on accompagne non seulement un retour au niveau, mais qu'on puisse aller au-delà", soutient M. Lecuziat.
En octobre, le Programme alimentaire mondial a reçu le prix Nobel de la paix pour ses efforts dans la lutte contre la faim à travers le monde.