Des groupes armés, connus sous le nom d'al-shabab ("les jeunes" en arabe), sèment la terreur dans la province musulmane pauvre mais stratégique du Cabo Delgado, riche en gaz naturel. Ils décapitent des villageois, enlèvent des jeunes femmes, attaquent aussi casernes et postes de police pour se fournir en armes et munitions.
L'an dernier, ces violences ont atteint un paroxysme, forçant plus d'un demi-million de personnes à quitter leurs maisons et trouver refuge chez des proches ou dans des camps d'accueil.
Mais en janvier, seules une petite dizaine d'attaques ont eu lieu, contre plus d'une trentaine le mois précédent, en partie grâce à la montée en puissance des frappes terrestres et aériennes gouvernementales.
"Nous constatons un succès de la stratégie offensive des forces gouvernementales", affirme à l'AFP Calton Cadeado, chercheur en sécurité à l'université Joaquim Chissano de Maputo.
Le conflit avait atteint un tournant symbolique fin décembre avec des attaques menées, pour la première fois, à quelques kilomètres seulement d'un mégaprojet gazier de plusieurs milliards d'euros opéré par le groupe français Total. Les employés du site avaient été évacués.
- Frappes aériennes -
Les militaires mozambicains traînent une mauvaise réputation, plusieurs ONG les accusant d'abus, mais ils semblent avoir regagné un peu d'estime auprès de la population locale. Les relations avec les civils se sont "largement améliorées", ce qui a permis aux soldats de "recueillir des renseignements", souligne M. Cadeado.
Le mois dernier, des frappes aériennes ont été menées dans le district de Palma, où se situe le futur centre d'exploitation de gaz naturel, tuant un nombre inconnu d'insurgés, dont certains s'étaient réfugiés dans une mosquée, selon des sources militaires.
Selon l'ONG américaine ACLED, des hélicoptères, militaires ou mercenaires, ont frappé à la mi-janvier plusieurs cibles dans la même zone, bien que les insurgés se soient servis de civils comme boucliers. Le bilan des victimes n'était pas possible à confirmer de manière indépendante.
"Avec un gouvernement plus offensif et plus de moyens militaires, il est possible que les insurgés perdent du terrain. Mais ils peuvent aussi tenter d'étendre leur champ d'action à une autre province ou à la Tanzanie" voisine, nuance Eric Morier-Genoud, professeur d'histoire africaine à Belfast.
S'appuyant sur ces récents succès, le président Filipe Nyusi a proposé une amnistie aux insurgés qui voudraient rendre les armes. Les autorités "feront tout pour vous accueillir en toute sécurité et garantir votre réintégration" dans la vie civile, a-t-il assuré.
Mais les experts sont sceptiques sur les chances de succès de la manœuvre.
- Ravitaillement compromis -
"Les amnisties sont généralement plus efficaces lorsque les insurgés sont déjà affaiblis ou divisés", souligne Eric Morier-Genoud.
Et il est beaucoup trop tôt pour se réjouir de l'accalmie, mettent en garde plusieurs experts, les groupes armés pourraient simplement être en train de changer de stratégie, en cherchant à se concentrer sur le site gazier par exemple.
Malgré la suspension d'une partie des travaux après les attaques jihadistes, le projet baptisé Mozambique LNG reste "sur les rails", avec pour objectif de produire en 2024, a assuré mardi le PDG de Total.
"Le pire scénario serait qu'ils diminuent les attaques diffuses mais réussissent à toucher au cœur du complexe gazier", avance M. Cadeado. "Ce n'est pas comme s'ils ne nous avaient pas prévenus" fin décembre "quand ils ont obligé le site à évacuer son personnel".
Mais le manque de nourriture pourrait jouer en faveur des autorités, selon des sources militaires. Les insurgés, après avoir pillé les maigres réserves des villageois, n'ont plus grand-chose à se mettre sous la dent. Et ils ont aussi chassé les paysans, empêchant moissons ou récoltes.
Une surveillance plus étroite des voies maritimes et des routes limite aussi leur ravitaillement en vivres et en armes.
"Les insurgés ont été super rapides et ont cramé leur équipement", estime M. Cadeado. "En très peu de temps, ils ont réussi à être opérationnels dans sept des neuf districts de la province, mais c'est fatigant, ça exige une maîtrise et une structure logistique importantes".