Les commémorations du 27e anniversaire du génocide, où plus de 800.000 personnes, essentiellement tutsi, furent exterminées dans des conditions atroces entre avril et juillet 1994, étaient placées en France sous le signe du refus du négationnisme.
Elles interviennent quelques jours après la remise au président Emmanuel Macron d'un rapport d'historiens qui, pour la première fois, a conclu à des "responsabilités lourdes et écrasantes" de Paris dans la tragédie.
L'annonce par un décret gouvernemental de l'ouverture des archives, notamment celles de l'ancien président socialiste François Mitterrand au pouvoir à l'époque du génocide ont été saluées comme "une bonne chose" par l'association de rescapés Ibuka France.
Toutefois, "les rescapés n'ont pas beaucoup à apprendre", a souligné le président d'Ibuka France Etienne Nsanzimana, lors d'une cérémonie au memorial de la Shoah à Paris. "Ils veulent des actes forts, des mots d'excuses", a-t-il lancé, ajoutant: "Les historiens ont parlé, il faut que les politiques et les juges prennent le relais".
Une demande relayée par l'ambassadeur du Rwanda en France, François-Xavier Ngarambe, qui a exhorté "tous les pays au sein desquels des génocidaires se cachent" à les "extrader ou à les juger eux-mêmes".
Après plus de deux décennies de relations exécrables entre Paris et Kigali, empoisonnées par la question du rôle de la France, le ton était cependant à l'apaisement. M. Ngarambe a de nouveau salué le "pas important" que constitue le rapport d'historiens de la commission Duclert et cité les "efforts" de la France pour juger des génocidaires sur son sol.
"Vérité historique"
Des représentants de l'Etat français ont participé aux commémorations, une présence saluée comme une marque de "respect" par une responsable d'Ibuka. Le chef de la diplomatie Jean-Yves Le Drian a assisté à une cérémonie de dépôt de gerbes dans la matinée.
Et à la cérémonie au memorial de la Shoah, le ministre de l'Education Jean-Michel Blanquer a insisté sur le rôle de la recherche et de l'enseignement afin de "lutter contre l'éternel recommencement et contre l'oubli". "Nous devons la vérité historique aux victimes, à leurs enfants, à notre humanité", a-t-il déclaré.
L'ouverture des archives sur le rôle de la France au Rwanda était attendue depuis des années et marque un pas supplémentaire dans la politique mémorielle du président Emmanuel Macron, après la remise du rapport Duclert.
Les archives de l'ancien président socialiste François Mitterrand, celles de son Premier ministre de l'époque Edouard Balladur (droite), et d'autres documents sont désormais ouverts à tous les publics, selon un décret paru mercredi au Journal officiel.
Plusieurs de ces documents, notamment des télégrammes diplomatiques et notes confidentielles, figurent dans le rapport Duclert remis le 26 mars à Emmanuel Macron. Cette somme de 1.200 pages souligne notamment la responsabilité de François Mitterrand et de son état-major particulier qui ignoraient régulièrement les diverses mises en garde sur les risques de génocide.
Au total, ce sont des milliers de documents qui vont ainsi être ouverts au public et en particulier le fonds Mitterrand, resté verrouillé pendant des décennies.
La commission avait toutefois regretté de s'être heurtée lors de son travail de plus de deux ans à des "refus de communication ou de consultations, certes rares mais notables".
D'autres ouvertures d'archives pourraient suivre à l'été, notamment des documents de l'armée qui ont été déclassifiés mais pas exploités, selon une source proche du dossier.