Au pouvoir depuis 30 ans, le chef de l'Etat a voté, aux côtés de son épouse Hinda, omniprésente durant la campagne.
"J'appelle tous les Tchadiennes et Tchadiens où qu'ils se trouvent à venir voter massivement pour exercer leur devoir et le droit de choisir le candidat qu'ils pensent être le meilleur pour eux", a déclaré à l'AFP Idriss Déby (68 ans) devant une nuée de journalistes, de militaires et de policiers en armes.
"Un boycott? A vous de dire s'il y a boycott mais tout se passe dans la sérénité, la sécurité, dans un pays en paix et stable", a-t-il poursuivi, en réponse à l'opposition la plus critique qui a appelé à boycotter l'élection.
Dans le quartier Moursal, réputé plutôt anti-Déby, au sud de N'Djamena, assez peu d'électeurs devant les bureaux.
"Depuis l'ouverture, on a eu que trois votants", déclare un assesseur devant une urne quasi vide. Un peu plus loin, les urnes sont mieux remplies mais sans file d'attente. Sur 241 inscrits, 18 avaient voté à 11h00, montre un assesseur sur sa liste d'émargement.
Sept jeunes sont rassemblés devant une borne de loterie nationale. "Je ne vote pas, je n'ai pas de candidat, on veut le changement, nos enfants ne vont pas à l'école car les professeurs ne sont pas payés alors qu'on a payé pour les inscrire", s'énerve Mugabe, moto-taxi qui dit gagner péniblement entre 3 et 5 euros par jour. "Que l'on vote ou non, Déby va rester au pouvoir, donc ça sert à rien", poursuit-il.
A Massaguet, à 85 km au nord de la capitale, peu d'affluence également dans les bureaux de vote, a constaté un journaliste de l'AFP.
Le véritable enjeu de ce scrutin reste la participation. Quelque 7,3 millions d'électeurs, sur une population de 15 millions d'habitants, sont appelés aux urnes.
A N'Djamena, les rues étaient quasi vides à l'ouverture du scrutin, avec un important déploiement de policiers et de militaires quadrillant la ville.
Le maréchal Déby a fait campagne sur la "paix et la sécurité" dont il dit être l'artisan, dans son pays mais aussi dans une région tourmentée: le Tchad, enclavé entre la Libye, le Soudan, la Centrafrique entre autres, est un contributeur de poids au combat contre les jihadistes au Sahel, en projetant des troupes aguerries jusqu'au Mali et parfois au Nigeria.
La majorité des habitants semblent cependant se désintéresser d'un scrutin "joué d'avance" et tentent péniblement de joindre les deux bouts, entre deux coupures d'eau et d'électricité, parfois plusieurs jours d'affilée.
Le Tchad est classé au 187e rang sur 189 selon l'Indice de Développement Humain du programme de l'ONU en 2020. En 2018, 42% de la population vivait sous le seuil de pauvreté, selon la Banque mondiale.
Depuis plusieurs mois, le régime interdit systématiquement les "marches pacifiques pour l'alternance" que tentent d'organiser les partis d'opposition les plus virulents. Et la redoutable police anti-émeute disperse chaque début de rassemblement, qui n'attire que quelques dizaines de téméraires. Human Rights Watch a qualifié jeudi de "répression implacable" cet usage de la force.
Bérets rouges et policiers
Des soldats d'élite aux bérets rouges de la Garde républicaine, la redoutable garde prétorienne du régime, étaient positionnés samedi massivement aux endroits les plus sensibles. Des policiers et militaires étaient stationnés près des sièges des partis appelant au boycott du scrutin.
Les résultats provisoires sont prévus le 25 avril, et les résultats définitifs le 15 mai.
Il y a deux mois encore, 15 partis d'opposition regroupés dans une Alliance victoire propulsaient un "candidat unique" face à M. Déby, qui a volé en éclats.
La Cour suprême a invalidé les candidatures de sept des 16 prétendants. Puis trois candidats, dont le rival "historique" Saleh Kebzabo, se sont retirés pour protester contre les violences et ont appelé au boycott du scrutin, mais la Cour a maintenu leurs noms sur les bulletins de vote qui affichent donc 10 candidats.
Six seulement défient le président: Félix Nialbé Romadoumngar, Albert Pahimi Padacké, Théophile Yombombe Madjitoloum, Baltazar Aladoum Djarma, Brice Mbaïmon Guedmbaye et, première femme candidate de l'histoire du Tchad, Lydie Beassemda.
"Qui les empêche de se présenter? Personne", rétorque Jean-Bernard Padaré, porte-parole du puissant Mouvement Patriotique du Salut (MPS) de M. Déby, fustigeant ceux qui se sont retirés, comme M. Kebzabo.
"La seule chose qui compte aux yeux de Déby, c'est de l'emporter dès le premier tour avec une participation importante, pour qu'on ne lui objecte pas qu'il a été mal élu", résume un diplomate sous couvert d'anonymat à l'AFP.