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Vote historique au Congrès américain pour réparer les torts de l'esclavage


La présidente du Congressional Black Caucus, la représentante Karen Bass, avec la présidente de la Chambre des représentants des États-Unis, Nancy Pelosi, lors d'une conférence de presse au Capitole à Washington, le 8 juin 2020.
La présidente du Congressional Black Caucus, la représentante Karen Bass, avec la présidente de la Chambre des représentants des États-Unis, Nancy Pelosi, lors d'une conférence de presse au Capitole à Washington, le 8 juin 2020.

Une commission du Congrès américain a adopté mercredi un projet de loi portant le principe d'une compensation financière pour réparer les méfaits de l'esclavage aux Etats-Unis, un premier vote historique dans un pays encore marqué par les discriminations raciales.

Le texte a été adopté par la commission des affaires judiciaires de la Chambre des représentants par 25 voix contre 17. Les démocrates ont voté à l'unanimité pour la loi, alors que les républicains ont voté à l'unanimité contre.

La Chambre basse du Congrès, où les démocrates sont majoritaires, devra ensuite l'approuver en séance plénière, à une date indéterminée. Mais le sort du texte est incertain au Sénat, où les démocrates devront obtenir les voix d'au moins dix républicains pour qu'il soit finalement adopté.

Le projet de loi prévoit la création d'une commission d'experts qui serait chargée de faire des propositions sur l'indemnisation par le gouvernement des descendants des quelque quatre millions d'Africains amenés de force aux Etats-Unis entre 1619 et 1865, date de l'abolition de l'esclavage.

Il s'attaque à "l'injustice, la cruauté, la brutalité et l'inhumanité fondamentale de l'esclavage" et aux disparités dont souffre encore aujourd'hui la minorité noire américaine.

Ce vote "historique" est destiné à "poursuivre un débat national sur la façon de combattre les mauvais traitements subis par les Afro-Américains pendant l'esclavage, la ségrégation et le racisme structurel qui reste aujourd'hui endémique dans notre société", a déclaré avant le vote le président de la commission des affaires judiciaires, le démocrate Jerry Nadler.

La représentante Sheila Jackson Lee, à droite, lors d'une audition sur la réparation des descendants d'esclaves devant le sous-comité judiciaire de la Chambre sur la Constitution, les droits civils et les libertés civiles, à Washington, le 19 juin 2019.
La représentante Sheila Jackson Lee, à droite, lors d'une audition sur la réparation des descendants d'esclaves devant le sous-comité judiciaire de la Chambre sur la Constitution, les droits civils et les libertés civiles, à Washington, le 19 juin 2019.

La démocrate afro-américaine Sheila Jackson Lee a imploré ses pairs de ne pas "ignorer la douleur, l'histoire, et la sagesse de cette commission".

Le président Joe Biden, lui aussi démocrate et qui a rencontré mardi des élus afro-américains au Congrès, s'est "engagé" à soutenir ce texte, a-t-elle dit.

Mais les membres républicains de la commission, tout en reconnaissant la brutalité de l'esclavage, s'opposent à cette législation.

"Elle nous éloigne de l'important rêve de juger quelqu'un sur le contenu de sa personnalité et non la couleur de sa peau", a déclaré un représentant républicain, Chip Roy.

Le Black Caucus était également les invités de la Maison Blanche mercredi, un retour après quatre années sans invitation. Ils ont participé au débat autour des réparations.

La législation, dont une première version avait été rédigée il y a près de 30 ans, est redevenue centrale depuis que la mort de plusieurs Afro-Américains lors d'interventions policières a poussé les Etats-Unis à se pencher davantage sur leur passé esclavagiste et sur les multiples discriminations subies par la minorité noire, qui constitue près de 13% de la population.

Le vote est intervenu alors qu'un policier blanc est jugé à Minneapolis, accusé d'avoir tué lors d'une interpellation un quadragénaire noir, George Floyd, devenu un symbole mondial des victimes de violences policières.

Initiatives locales

Malgré les avancées de la lutte pour leurs droits civiques dans les années 1960, les Afro-Américains sont toujours moins diplômés, ont une couverture sociale moins bonne et vivent moins longtemps que les Blancs. Ils sont aussi incarcérés de manière disproportionnée par rapport au reste de la population américaine.

En 2019, le revenu médian annuel d'un foyer noir était de 43.771 dollars, contre 71.664 dollars pour un foyer blanc, selon des statistiques officielles.

Un groupe de 13 experts devra ainsi faire des propositions de compensations "pour l'institution de l'esclavage et (les) discriminations raciales et économiques contre les Afro-Américains".

Ces experts doivent faire des recommandations sur la façon de calculer cette indemnisation, la forme qu'elle devra prendre et qui seront les personnes éligibles.

La question des compensations avait été évoquée par plusieurs candidats à la primaire démocrate de 2020 dans le débat plus large sur les inégalités raciales et les différences de revenus.

Avant une décision au niveau fédéral, la question des réparations a déjà été abordée au niveau des collectivités locales.

La petite ville d'Evanston, près de Chicago (Illinois), est devenue en mars la première à décider d'indemniser ses habitants noirs à hauteur de 10 millions de dollars sur les 10 prochaines années.

Les habitants correspondant aux critères recevront 25.000 dollars chacun pour financer leur crédit immobilier ou la rénovation de leurs logements.

Et en 2019, les étudiants de la prestigieuse université de Georgetown, à Washington, avaient approuvé symboliquement la création d'un fonds au profit des descendants d'esclaves vendus au XIXe siècle par les jésuites ayant créé l'établissement.

Selon un chroniqueur de News One, un média qui s'intéresse principalement aux questions touchant les Afro-Américains, la question des réparations a une longue histoire qui remonte au 5e président des États-Unis, le républicain Abraham Lincoln.

Après avoir signé la déclaration d'émancipation en 1863, M. Lincoln avait autorisé un programme visant à donner "40 hectares et une mule" à chaque ancien esclave éligible. Cependant, note l'auteur, cette promesse n'a pas survécu à l'assassinat du président Lincoln. Son successeur, Andrew Johnson, s'était empressé d'y mettre fin.

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