"Et le poisson, c'est seulement pour manger", sourit l'ancien guide touristique de 26 ans, un tee-shirt sur la tête pour se protéger du soleil. "Tu ne peux même pas le vendre, il n'y a pas de touristes. Il faut faire autre chose".
La vie paraît s'être arrêtée à Tarrafal, principale station balnéaire de l'île de Santiago, qui abrite la capitale Praia. Avant la pandémie, des dizaines de milliers de visiteurs venaient chaque année profiter de ses eaux turquoise et de son sable blanc, surtout en fin et tout début d'année. Les plus courues des dix îles de l'archipel, à 600 km et une heure du Sénégal, étaient prises d'assaut.
Les rues de Tarrafal sont désertes. Une poignée d'habitants sont assis à l'ombre d'un coin de rue. Sur la plage bordée de palmiers, seules bronzent les barques multicolores des pêcheurs.
Réputé pour ses côtes bercées par l'Atlantique et ses montagnes d'origine volcanique, le Cap-Vert est très dépendant du tourisme qui représente 25% de son PIB.
Si la pandémie a eu des effets sanitaires relativement contenus (19.780 cas de contamination et 188 décès), l'annulation des vols internationaux a mis à terre l'activité. Après des années de croissance (5,7% en 2019 et 4,5% en 2018), l'ancienne colonie portugaise, citée en exemple pour son dynamisme, a accusé en 2020 une récession historique de 14,8%. La majorité des hôtels a fermé et les touristes ont disparu. Beaucoup de Cap-Verdiens ont perdu leur travail.
"Plus de quoi vivre"
Les enjeux de l'économie et du tourisme seront au cœur des législatives qui se tiennent dimanche, dans un scrutin à l'issue incertaine.
Sur la place centrale pavée de motifs noirs et blancs typiques du Portugal trône la cabane de l'office du tourisme. Entouré de cartes postales, un homme aux dreadlocks et à la croix égyptienne en or raconte avoir perdu 80% de ses revenus.
Chaque soir, Silvio Antonio Lopes Borges, employé à la mairie, s'introduit avec son fils de deux ans dans la crèche qu'il ne peut plus payer. "On joue ensemble, au moins il est content", raconte l'ancien guide touristique de 32 ans. "En plus, c'est gratuit".
"Avant, je pouvais économiser. Aujourd'hui, ça ne me suffit pas pour vivre", se lamente-t-il.
En 2019, l'archipel a accueilli près de 800.000 touristes, dont 80.000 sur l'île de Santiago, des Européens pour la plupart, faisant plus que doubler la population du Cap-Vert (550.000 habitants), dit Eugênio Inocêncio, président de l'Association de tourisme de Santiago.
"On pensait que le tourisme allait reprendre au début de l’année mais l'Europe a connu une quatrième vague de coronavirus, de telle sorte que le nombre de touristes qui arrivent au Cap-Vert est résiduel", poursuit-il.
Diversifier
Depuis la terrasse de son hôtel, Maya Duarte a une vue imprenable sur la montagne Monte Graciosa qui plonge dans l'océan. L'inauguration de l'établissement, prévue en décembre, a été reportée à février, puis à nouveau, pour avoir lieu tout récemment.
A 25 ans, la directrice du Pensao Por Do Sol sait qu'elle prend un risque: "On est inquiet, on a peur de rester ouvert et de ne pas avoir de recettes, de ne pas avoir de quoi payer le personnel".
Pour elle, une seule solution: promouvoir le tourisme interne. "On ne peut pas attendre seulement que les Européens arrivent ici, on doit investir localement".
Pauvre en eau douce et en terres arables, le Cap-Vert importe 90% de ce qu'il consomme. Ses principaux partenaires sont l'Espagne, le Portugal et l'Italie, selon les données de l'Institut national des statistiques.
La pandémie a rappelé combien l'économie cap-verdienne est dépendante de l'Europe, non seulement pour le tourisme, mais aussi pour le commerce, explique l'économiste José Agnelo Sanches.
"La diversification de l'économie est la voie à suivre", dit-il. Le pays doit mieux s'intégrer avec ses partenaires africains pour réduire sa dépendance vis-à-vis de l'Europe, et "il faut d'autres secteurs forts comme l'agriculture et la pêche par exemple", assure-t-il.