Voici cinq choses à savoir sur l'impasse actuelle dans ce pays de la Corne de l'Afrique.
Un État morcelé, la Somalie est une République fédérale d'environ 15 millions d'habitants comprenant cinq États membres (Puntland, Jubaland, Galmudug, Hirshabelle et Sud-Ouest) avec un gouvernement central à Mogadiscio, la capitale.
Tous les États ont un certain degré d'autonomie, mais tous ne sont pas égaux, selon Omar Mahmood, analyste à l'International Crisis Group (ICG).
Certains, comme le Puntland et le Jubaland, disposent de ressources économiques importantes (ports, agriculture...) et s'irritent de toute tentative de Mogadiscio d'influer sur leurs affaires.
Les trois autres sont soit plus récents, plus pauvres ou déchirés par des luttes intestines. Le président somalien y a installé ses alliés aux postes de pouvoir.
La région du Somaliland (nord-ouest) a elle déclaré son indépendance en 1991 mais elle n'est pas reconnue comme telle sur la scène internationale.
Jeux de clansLes clans structurent la vie, la politique et la culture en Somalie. L'identité clanique passe avant tout.
"Le clan, c'est d'abord un réseau de solidarité, de soutien qui s'est révélé très utile durant la guerre civile (après la chute du dictateur Siad Barré en 1991, ndlr) et les années de détresse qui ont suivi", explique Robert Kluijver, doctorant au Centre d'Etudes de relations internationales (CERI) spécialiste de la Somalie.
Les clans se partagent le pouvoir politique selon un principe dit de "4,5", qui garantit que les quatre principaux disposent d'une part égale dans le gouvernement, les plus petits clans et minorités se partageant le demi-point restant.
La crise actuelle a une dimension clanique. Le président Mohamed Abdullahi Mohamed, dit Farmajo, est un Darod, tandis que ses opposants sont essentiellement Hawiye.
"Il y a des règles non écrites mais qui sont observées strictement", notamment pour une certaine rotation du pouvoir entre clans, souligne M. Kluijver. Mais en prolongeant son mandat, "Farmajo ne joue pas ce jeu-là, il veut garder le pouvoir".
Modes de scrutin L'origine première de la crise actuelle est l'incapacité de Farmajo à organiser des élections législatives et présidentielle avant l'expiration de son mandat en février.
Farmajo et les cinq États avaient convenu en septembre de tenir des élections indirectes avant la fin de son mandat, selon un système complexe déjà utilisé en 2017 où des délégués choisis par de multiples chefs de clans élisent les parlementaires, qui votent ensuite pour le président.
La Somalie n'a pas tenu d'élections sur le principe d'"un homme, une voix" depuis 1969. Les tentatives répétées d'organiser un tel scrutin ont toujours achoppé, notamment pour des raisons sécuritaires.
L'élection au système indirect prévoyait cette année deux fois plus de délégués mais les hostilités entre Farmajo et les dirigeants du Puntland et du Jubaland ont fait dérailler le plan.
Luttes d'influence Le différend actuel tourne autour du contrôle du vote. Dans une élection indirecte, "vous pouvez exercer une certaine influence sur le vote à chaque niveau" du processus, souligne Omar Mahmood.
Le Puntland et le Jubaland ont accusé Farmajo d'avoir placé ses partisans dans des comités électoraux déterminants. Mogadiscio a rejeté leurs contre-propositions. Ils ne sont pas non plus parvenus à s'entendre sur qui assurerait la sécurité du scrutin.
Les dirigeants des deux États redoutent une perte d'autonomie, voyant Mogadiscio installer ses alliés dans les États plus faibles et tenter de renforcer le pouvoir central autour de la présidence.
"Il y a toujours eu cette bagarre entre Mogadiscio - le centre - et la périphérie (...) Cela n'a pas été créé sous l'administration Farmajo, mais cela a été exacerbé", estime Omar Mahmood.
ImpasseLe 12 avril, la chambre basse du parlement, acquise à Farmajo, a voté pour prolonger de deux ans le mandat du président, provoquant la division des forces de sécurité selon des lignes claniques et des affrontements meurtriers dans la capitale.
Mais depuis, le Galmudug et l'Hirshabelle, alliés de Farmajo, se sont désolidarisés et ont appelé à des élections rapides.
Et le président, dans un discours à la Nation mercredi, a remis l'accord électoral de septembre sur la table et appelé ses rivaux à reprendre des négociations qui n'ont pas abouti en six mois.
Dans le discours de Farmajo, "il n'y a pas d'issue", estime Robert Kluijver: "Ce n'est pas un discours de conciliation, il accuse l'opposition de créer toute cette crise politique".
"Faire la même chose encore et encore ne va pas vraiment produire des résultats différents. Le niveau de méfiance est si élevé cette fois-ci qu'il y a un besoin d'une médiation extérieure", estime Omar Mahmood.