Une coulée de lave a atteint la lisière de la ville de Goma, dans l'est de la République démocratique du Congo (RDC), après l'éruption soudaine samedi soir du volcan Nyiragongo surplombant la ville, provoquant la fuite en masse et dans la panique des habitants.
"Outre la coulée de lave vers le Nord-Est (Kibumba/Rwanda), une autre coulée descend aussi sur la ville", a constaté dans la nuit un responsable du parc national des Virunga, où est situé le volcan. Cette seconde coulée "a maintenant atteint l'aéroport et, en toute logique, elle va descendre vers le lac" Kivu, selon lui.
L'aéroport est situé en périphérie nord-est de la ville, qui s'étend entre la frontière rwandaise et les rives du lac. L'information n'a pas été confirmée de source officielle, alors que la situation restait confuse en pleine nuit, et que des habitants sur place affirmaient que la coulée s'est arrêtée en lisière de l'aéroport.
La précédente éruption majeure du Nyiragongo remonte au 17 janvier 2002. Elle avait causé la mort de plus de cent personnes, couvrant de lave quasiment toute la partie est de Goma, y compris la moitié de la piste de l'aéroport.
La lave s'était alors lentement écoulée vers la ville, qu'elle avait coupée en deux pour se déverser dans le lac Kivu.
Dans la nuit de samedi à dimanche, d'impressionnantes images diffusées sur les réseaux sociaux, mais non vérifiées de source indépendante, montraient des habitations en feu, lentement avalées puis englouties par la lave rougeoyante en fusion, dans la périphérie nord-est de Goma, notamment dans le quartier de Buhene.
"Cette coulée passe sur le tracé de la coulée de 2002", a également estimé devant la presse un responsable de l'Observatoire de volcanologie de Goma, Mahinda Kasereka. La poursuite de son avancée dans la ville pourrait dépendre des niveaux de lave et de pression dans le cratère du volcan.
"Le ciel est devenu rouge"
L'éruption a débuté sans prévenir en début de soirée. Des lueurs rougeoyantes ont commencé à s'échapper du cratère et une odeur de soufre s'est répandue dans Goma, située sur le flanc Sud du volcan, sur les rives du lac Kivu.
Cette soudaine activité volcanique a aussitôt provoqué l'inquiétude des populations, familières des colères du volcan, même si aucune coulée de lave n'était immédiatement visible de la ville, ni tremblement de terre ressenti.
"Le ciel est devenu rouge", a raconté à l'AFP une habitante, témoignant "des flammes géantes sortant de la montagne".
Dans un message aux populations, le gouverneur militaire de la province du Nord-Kivu, le général constant Ndima, a alors "confirmé l'éruption du volcan". Suivi rapidement par le gouvernement qui, après une réunion de crise à Kinshasa, a ordonné "l'évacuation" de la ville.
Le président congolais Félix Tshisekedi a par ailleurs annoncé avoir "décidé d'interrompre son séjour en Europe pour rentrer dès ce dimanche au pays afin de superviser la coordination des secours aux populations des zones menacées" par l'éruption.
L'électricité a été coupée dans une grande partie de la ville et des milliers d'habitants, souvent en famille, ont pris la direction, dans le désordre et à pied, à moto ou en voiture, de la frontière rwandaise toute proche.
Au fil des heures, et de la confirmation de la gravité de la situation, le flot des gens en fuite n'a cessé de grossir, matelas sur la tête, colis et enfants dans les bras, voitures klaxonnant.
La population prenait la direction du poste-frontière avec le Rwanda, dans la partie sud de la ville, ou la route de l'ouest vers Sake, vers la région congolaise du Masisi. Goma jouxte la frontière et la "grande barrière", le principal poste-frontière entre les deux pays, est situé dans le sud de la ville.
"Il y a beaucoup de monde sur la route, beaucoup de voitures, c'est la fuite", a raconté à l'AFP un habitant ayant embarqué sa famille dans sa voiture pour emprunter cette route du Masisi, vers Sake.
"Ca avance à pas de tortue, sur trois ou quatre voies. Les voitures sont remplies d'effets personnels, des matelas dans les coffres ou sur les toits.", a-t-il témoigné: "Il y a des enfants, des femmes, des vieux qui sont à pied et la pluie s'invite, c'est compliqué".
Calme côté rwandais
Dans la nuit, des milliers de personnes avaient trouvé refuge au Rwanda, dans la ville frontière de Rubavu (anciennement Gisenyi), a constaté un vidéaste de l'AFP côté rwandais.
Les opérations étaient bien organisées, avec un accueil au stade et dans les écoles. Beaucoup de gens dormaient à même le sol aux abords de la ville. "Les frontières rwandaises sont ouvertes et l'accueil de nos voisins se déroule paisiblement", a commenté sur Twitter l'ambassadeur rwandais en RDC, Vincent Karega.
Capitale régionale du Nord-Kivu, Goma compte près de 600.000 habitants, dans une province troublée où sévissent de nombreux groupes armés.
Lors de l'éruption de 2002, les victimes étaient pour la plupart des malades, des personnes âgées ou impotentes abandonnées à leur sort dans les quartiers nord de la ville. Des pillages avaient également eu lieu.
Goma abrite un important contingent de Casques bleus et de nombreux membres du personnel de la Monusco, la mission onusienne dans le pays. Elle est la base de nombreuses ONG et organisations internationales. Leurs personnels ont pour beaucoup reçu l'ordre de se rassembler dans leurs locaux et les "guest-house", selon une source humanitaire.
Plusieurs avions basés à l'aéroport, appartenant à la Monusco et à des compagnies privées, ont décollé dans la soirée pour évacuer, selon une source aéroportuaire.
Située dans la province du Nord-Kivu, voisine de l'Ouganda, la région de Goma est une zone d'intense activité volcanique, avec six volcans, dont le Nyiragongo et le Nyamuragira qui culminent respectivement à 3.470 et 3.058 mètres.
L'éruption la plus meurtrière du Nyiragongo, en 1977, avait fait plus de 600 morts.
Une des caractéristiques de ces deux volcans sont les "éruptions douces", relativement fréquentes, des flux de lave s'écoulant par les flancs. Ce fut le cas au moment de l'éruption de janvier 2002.
Dans un rapport daté du 10 mai, l'Observatoire volcanologique de Goma appelait à la "vigilance", alors que "l'activité séismo-volcanique au niveau du Nyiragongo".