Au 12e rang mondial des plus gros émetteurs de gaz à effet de serre, l'Afrique du Sud tire son électricité à 80% du fossile, dans des centrales vieillissantes et mal entretenues par une entreprise publique en difficulté financière, Eskom.
À l'approche de la 26e Conférence sur le climat (COP26) à Glasgow qui s'ouvre le 31 octobre, le pays est confronté à un dilemme: comment produire assez d'électricité pour une classe moyenne toujours grandissante et soutenir l'activité économique, sans aggraver la crise climatique mondiale?
Dans ce pays d'Afrique australe, les pannes d'électricité font partie du quotidien. Les coupures sont planifiées, les horaires partagés sur des applications mobiles et relayés dans les médias.
"Notre pays est confronté à une crise énergétique qui nécessite une attention urgente", a alerté mercredi lors d'une conférence en ligne la militante écologiste Ditebogo Lebea. "En tant que jeune Sud-Africaine, j'ai peur".
Les coupures d'électricité sont un désastre pour l'activité économique et sapent les efforts pour réduire un taux de chômage record, de 34%.
- Dans le noir -
Lors des premières pannes il y a près de 15 ans, des villes entières se sont retrouvées plongées dans le noir. Le gouvernement a tout d'abord abordé le problème de manière extensive.
Des remises allant jusqu'à 100% ont été proposées aux foyers optant pour des chauffe-eau solaires. Les éoliennes ont poussé comme des champignons et une immense ferme solaire est née dans le désert.
Mais parallèlement, le pays a décidé de construire deux nouvelles centrales au charbon dont une n'est pas encore achevée. D'une puissance d'environ 4.800 mégawatts chacune, elles doivent former le plus grand site de production d'énergie à partir du charbon au monde.
A titre de comparaison, la ferme solaire dans le nord du pays a une capacité de 50 mégawatts. Pourtant, l'Afrique du Sud bénéficie de 2.500 heures d'ensoleillement par an, soit environ 600 de plus que l'Allemagne, championne de l'énergie solaire.
"Tout le monde reconnaît que les énergies renouvelables sont une gigantesque opportunité en Afrique du Sud", souligne le spécialiste de l'énergie, Argon Poorum, de l'ONG GreenCape.
En 2010, l'Afrique du Sud a bien tenté de lancer un système avant-gardiste de vente aux enchères des énergies renouvelables pour attirer les investisseurs privés. Mais cinq ans plus tard, Eskom y a mis fin, au prétexte que les énergies renouvelables sont trop coûteuses.
- Effet Zuma -
La pagaille en matière de politique énergétique a commencé avec Jacob Zuma, élu président en 2009 et poussé à la démission après une série de scandales en 2018.
Il a rejeté l'ensemble des projets solaires et tenté de négocier dans des conditions obscures un accord nucléaire avec la Russie pour un montant de 58 milliards d'euros.
Son plan a échoué mais les émissions de gaz à effet de serre ont augmenté de 10% entre 2000 et 2017, selon les chiffres du gouvernement.
Son successeur, Cyril Ramaphosa, a tenté de changer de cap en relançant le programme des énergies renouvelables l'année dernière. Le nucléaire n'a toutefois pas été écarté et trois licences ont récemment été approuvées pour des centrales électriques flottantes utilisant du gaz naturel.
Eskom a aussi promis d'arrêter progressivement les vieilles centrales au charbon au cours des trois prochaines décennies.
Mais certains ne voient toujours pas d'autre voie. Parmi eux, le ministre de l'énergie, Gwede Mantashe, devenu chantre des techniques controversées du "charbon propre" sensées le rendre moins polluant. Quelque 500.000 emplois dans les mines sont en jeu.
L'un des objectifs de la Conférence sur le climat est de faire en sorte que les pays riches respectent leurs promesses de réunir au moins 100 milliards de dollars par an pour soutenir les pays en développement vers les énergies propres.
L'Afrique du Sud, en mal de financement, lorgne désormais sur une part du gâteau. "Mieux vaut tard que jamais", soupire l'expert en énergie, Chris Yelland.