La coalition d'opposition Yewwi Askan Wi ("Libérons le peuple" en wolof) a revendiqué la victoire dans la capitale et dans les grandes villes de Thiès (ouest) ou Ziguinchor (sud).
A Dakar et Ziguinchor, ce sont deux farouches adversaires du pouvoir, Barthélémy Dias et Ousmane Sonko - candidat déclaré à la présidentielle de 2024 - qui sont annoncés vainqueurs. Nombre de ministres du président Macky Sall ont été battus, à commencer par celui de la Santé Abdoulaye Diouf Sarr dans la capitale.
Alioune Tine, directeur du laboratoire d'idées Afrikajom Center, parle à l'AFP de "débâcle (...) brutale mais prévisible" pour le pouvoir, au cours de ce scrutin combinant élection des maires et des présidents de conseil départemental. Il y a vu la prolongement de l'onde de choc des émeutes qui ont ébranlé le pouvoir en mars 2021 et revigoré l'opposition.
C'était la première fois que les Sénégalais étaient appelés aux urnes depuis ces évènements et depuis la présidentielle de 2019 qui a reconduit Macky Sall à la tête de ce pays considéré comme un îlot de stabilité en Afrique de l'Ouest et traité à ce titre avec égard par ses partenaires étrangers.
"Au moment où je vous parle, nous avons gagné les villes de Dakar, Ziguinchor, Thiès et Guédiawaye", a dit à l'AFP Déthié Fall, le mandataire national de la coalition d'opposition Yewwi Askan Wi.
La majorité présidentielle a aussi mordu la poussière à Kaolack, plus grande ville du centre, selon les résultats provisoires.
La coalition au pouvoir, Bennoo Bokk Yaakaar, a reconnu ne pas avoir réussi à s'emparer du trophée qu'aurait constitué Dakar. Soham El Wardini, première mairesse de la capitale, dans l'opposition au président, a également perdu face à Barthélémy Dias, jusqu'alors maire de Mermoz-Sacré-Coeur, une commune de la capitale.
"Dans l’ensemble, les tendances nationales donnent notre coalition largement gagnante dans plusieurs capitales régionales et départementales (...). Toutefois notre volonté de conquérir Dakar et Ziguinchor, en particulier, n'a pas été concluante", a dit Bennoo Bokk Yaakaar dans un communiqué.
Un Premier ministre attendu
"C'était prévisible après les contestations de mars (2021) qui constituent une vague de fond qui a déferlé dans les urnes. Les jeunes qui ont contesté (en 2021) ont pris les urnes", a analysé M. Tine, dans un pays dont plus de la moitié de la population a moins de 20 ans.
Le vote a été présenté comme un baromètre cinq mois avant les législatives et deux ans avant la fin du second mandat de M. Sall. Des propos attribués au directeur de cabinet politique de M. Sall en octobre avaient conforté cette opinion.
Les résultats seraient "déterminants" et trancheraient le débat sur la candidature de M. Sall à la présidentielle de 2024, avait dit Mahmoud Saleh selon la presse.
M. Sall a contesté cette vision. "Comment voulez-vous, dans une démocratie, qu’un président de la République, élu au suffrage universel, puisse dépendre des résultats des collectivités, des municipalités", a-t-il demandé en décembre sur RFI.
M. Sall, élu en 2012, réélu en 2019, dirigeant écouté par la communauté internationale sur la crise au Sahel ou la dette, maintient le flou sur ses intentions en 2024.
Le refus d'un troisième mandat a été l'un des slogans de la contestation de 2021.
M. Sall a été élu sur la promesse de mettre son pays, pauvre, sur la voie de l'émergence. Ses détracteurs l'accusent de servir les riches et l'étranger, dont le partenaire français, de pratiquer un exercice solitaire et autoritaire du pouvoir et de manipuler la justice.
Il est à présent appelé à nommer un Premier ministre, poste qu'il avait fait supprimer à la surprise générale après sa réélection en 2019 et dont il vient d'annoncer le rétablissement. Il fait face à une opposition vivifiée dont deux des figures, les nouveaux maires annoncés de Dakar et Ziguinchor, ont maille à partir avec la justice.