A leur arrivée, les forces de l'ordre ont découvert les corps de plus de 100 villageois après ces attaques d'envergure, symboles de la difficulté du pays à enrayer les violences des gangs.
Abubakar, 25 ans, et deux collègues maçons ont survécu au massacre, malgré des blessures par balles.
"J'ai essayé de m'enfuir quand j'ai senti l'impact de la balle sur mon œil", se lamente le jeune homme auprès de l'AFP, assis sur son lit d'hôpital de Jos, un énorme bandage autour de la tête.
Menées le 10 avril contre quatre villages dans l'Etat du Plateau, ces attaques sont les plus meurtrières cette année et attribuées à des bandes criminelles lourdement armées, les "bandits", qui terrorisent le centre et le nord-ouest du Nigeria.
Nées d'affrontements entre éleveurs et agriculteurs autour des ressources, ces violences se sont transformées en un conflit plus large, alimenté par le trafic d'armes.
Chaque jour ou presque, les meurtres, enlèvements de masse et raids de "bandits" font les gros titres, avec un bilan de victimes qui rivalise avec celui de l'insurrection jihadiste dans le nord-est.
Rien que sur les deux derniers mois, les gangs ont attaqué à l'explosif et tiré sur un train en provenance de la capitale Abuja, kidnappant des dizaines de passagers, ils ont tué 19 membres des forces de sécurité, massacré une dizaine de membres de groupes d'auto-défense et abattu une trentaine de villageois.
L'armée nigériane, sous-financée, a annoncé des opérations contre les bandits, dont des bombardements sur leurs camps cachés dans de vastes forêts. Mais les criminels multiplient les attaques.
Milliers de morts
L'Etat du Plateau, niché entre le nord à majorité musulmane et le sud à majorité chrétienne, a été le théâtre de violences intercommunautaires par le passé. Pourtant, il était jusque récemment épargné par les attaques de bandits.
"Les responsables, d'après les renseignements que nous avons recueillis jusqu'à présent, sont des criminels, des bandits" qui viennent du nord-ouest, explique le général Ibrahim Ali, commandant de la troisième brigade dans l'Etat du Plateau.
"Ils cherchent un refuge pour fuir nos offensives."
Vieille de plus de 10 ans, l'insurrection jihadiste dans le nord-est du Nigeria a fait plus de 40.000 morts et 2,2 millions de déplacés.
Et les violences dans le centre et le nord-ouest du pays, selon des données récentes, sont désormais plus meurtrières que le conflit dans le nord-est.
D'après l'ONG Acled, les bandits ont tué plus de 2.600 civils en 2021, soit une augmentation de 250% par rapport à 2020. Un bilan qui dépasse largement celui des victimes des groupes jihadistes Etat islamique et Boko Haram.
De janvier à mars, 782 personnes ont été tuées dans le nord-ouest contre 441 habitants dans le nord-est, d'après le bilan des médias locaux communiqué par le cabinet de conseil nigérian SBM Intelligence.
Mais les conséquences vont bien au-delà du nombre de personnes tuées.
L'année dernière, les gangs ont pris pour cible des établissements scolaires pour des enlèvements de masse contre rançon. Plus de 1.400 écoliers ont ainsi été kidnappés en 2021, même si la majorité a depuis été libérée.
Et par peur, plus d'un million de jeunes Nigérians n'iront probablement pas à l'école cette année, selon l'Unicef.
Alliance jihadiste ?
Les chiffres de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) indiquent que 728.000 personnes ont dû fuir leurs foyers dans le centre et le nord-ouest en 2020. Un nombre qui a atteint 980.000 l'année dernière.
Après les attaques menées contre les villages dans l'Etat du Plateau, près de 4.000 personnes ont fui, dont une majorité de femmes et d'enfants.
Plusieurs Etats du nord-ouest ont négocié des amnisties avec les criminels mais la plupart sont tombées à l'eau.
Certains gouverneurs, comme celui de Kaduna, Nasir Ahmad el-Rufai, s'opposent publiquement aux négociations avec les bandits, que le gouvernement a récemment classés comme "terroristes".
Le défi est gigantesque pour les forces armées sous-équipées: les autorités de Zamfara estiment qu'environ 30.000 bandits sont actifs dans le nord-ouest.
Plus inquiétant encore pour les analystes: la possible alliance entre jihadistes et bandits.
En cas de coopération entre les deux, "les atrocités, la criminalité et les attaques augmenteront dramatiquement", a prévenu M. el-Rufai.