Après avoir éloigné les forces russes des deux plus grandes villes du pays, la capitale Kiev fin mars et début avril, puis Kharkiv (nord-est) en mai, les Ukrainiens reconnaissent depuis quelques jours des "difficultés" dans le bassin houiller Donbass, formé par les provinces de Lougansk et de Donetsk.
"Les prochaines semaines de guerre seront difficiles", a prévenu lundi soir le président ukrainien Volodymyr Zelensky.
"Les occupants russes s'efforcent de montrer qu'ils n'abandonneront pas les zones occupées de la région de Kharkiv, qu'ils ne rendront pas la région de Kherson (sud), les territoires occupés de la région de Zaporijjia (sud-est) et le Donbass", où ils cherchent à "éliminer tout ce qui est vivant", a-t-il encore dit.
Un nouveau Marioupol ?
Moscou concentre précisément sa puissance de feu sur le réduit ukrainien de la région de Lougansk, essayant de cerner les villes de Severodonetsk et de Lyssytchansk. Le ministère ukrainien de la Défense a aussi évoqué d'intenses combats en cours à proximité de là, dans les environs des localités de Popasna et de Bakhmout.
La chute de Bakhmout, dans la province de Donetsk, donnerait aux Russes le contrôle d'un carrefour qui sert actuellement de centre de commandement impromptu pour une grande partie de l'effort de guerre ukrainien. Ses habitants, en tout cas, rechignent à fuir, malgré les risques : "Les gens ne veulent pas partir", se désole son maire-adjoint, Maxim Soutkovyï, devant un autocar à moitié vide prêt à emmener des civils vers des endroits plus sûrs.
Dans ce secteur, "l'ennemi a amélioré sa position tactique sur le territoire de Vasylivka", a admis mardi matin l'état-major de l'armée ukrainienne, qui assure que "la plus grande activité hostile" est observée "près de Lyssytchansk et de Severodonetsk" que les Russes cherchent à "encercler".
"Severodonetsk est entièrement sous le contrôle des autorités ukrainiennes. Mais c'est vraiment très difficile. Nous comprenons que les Russes ont maintenant jeté toutes leurs forces soit pour s'en emparer, soit pour assiéger toute la partie de la région de Lougansk qui est contrôlée par l'Ukraine", a commenté mardi son gouverneur, Serguiï Gaïdaï. "Aujourd'hui, nous constatons que le nombre des bombardements à Severodonetsk a augmenté (...) Ils détruisent simplement toute la ville", a-t-il ajouté.
Le sort de Severodonetsk rappelle forcément celui de Marioupol, la grande cité portuaire du sud-est pratiquement rasée après plusieurs semaines de siège. "Nous avons de très violents combats dans les régions de Gorlovka, d'Avdiivka, de Maryinka, de Novomaryinka", a signalé le même jour Edouard Bassourine, un représentant des forces séparatistes prorusses de Donetsk.
Deux républiques séparatistes prorusses ont été proclamées en 2014 dans le Donbass et c'est pour les défendre d'un prétendu "génocide" que le président russe Vladimir Poutine avait lancé le 24 février l'invasion de l'Ukraine. Cette "opération militaire spéciale", selon les termes du Kremlin, a débuté quelques jours après que Moscou a reconnu leur indépendance.
"Accélérer" les livraisons d'armes
Le front méridional semble quant à lui stable, bien que les Ukrainiens y revendiquent des gains territoriaux. Le commandement sud a fait état, dans la nuit de lundi à mardi, d'une "avancée" de ses divisions "à travers la région de Mykolaïv en direction de la région de Kherson", contrôlée par les Russes qui y ont introduit leur monnaie, le rouble. Il a accusé les "occupants" d'avoir tué des civils cherchant à fuir en voiture.
Les forces ukrainiennes pilonnent désormais les positions russes avec des systèmes d'artillerie occidentaux tout nouvellement acheminés, notamment des obusiers américains, a expliqué à l'AFP un porte-parole de l'armée ukrainienne.
Dans ce contexte, Kiev appelle instamment les Occidentaux à lui livrer davantage d'armements. "Il est trop tôt pour conclure que l'Ukraine dispose déjà de toutes les armes dont elle a besoin. L'offensive russe dans le Donbass est une bataille impitoyable, la plus vaste sur le sol européen depuis la Deuxième guerre mondiale. J'exhorte nos partenaires à accélérer les livraisons d'armes et de munitions", a ainsi lancé mardi le ministre ukrainien des Affaires étrangères Dmytro Kouleba.
Au cours d'une réunion virtuelle la veille du "Groupe de contact pour la défense de l'Ukraine", vingt des 44 pays représentés s'étaient engagés à lui fournir des armements supplémentaires tandis que d'autres entraîneront son armée. Un embargo de l'Union européenne sur le pétrole russe est par ailleurs possible "d'ici quelques jours", a estimé lundi soir le ministre allemand de l'Économie Robert Habeck, alors que le sujet ne fait pour l'instant pas l'unanimité nécessaire au sein des Vingt-Sept.
234 enfants tués
En trois mois de conflit armé, 234 enfants ont été tués et 433 blessés, a dénoncé mardi le bureau de la procureure générale d'Ukraine Iryna Venediktova. Au total, des milliers de personnes, civils et militaires, ont péri, sans qu'il existe un bilan chiffré. Pour la seule ville de Marioupol, les autorités ukrainiennes parlent toutefois de 20.000 morts.
Sur le plan militaire, le ministère ukrainien de la Défense évalue les pertes russes à plus de 29.200 hommes, 204 avions et près de 1.300 chars depuis le début de l'invasion le 24 février. Le Kremlin pour sa part a admis des "pertes importantes". Des sources occidentales évoquent quelque 12.000 soldats russes tués.
Ces chiffres sur trois mois avoisinent ceux enregistrés en neuf ans par l'armée soviétique en Afghanistan, souligne le ministère britannique de la Défense. L'Ukraine n'a pour sa part fourni aucune indication de ses pertes militaires.
La guerre a aussi chamboulé la répartition de la population : plus de huit millions d'Ukrainiens ont été déplacés à l'intérieur de leur pays, selon l'ONU. S'y ajoutent 6,5 millions qui ont fui à l'étranger, dont plus de la moitié – 3,4 millions – en Pologne.