De telles interpellations ainsi que le fait qu'elles soient rendues publiques sont exceptionnelles dans un pays dont les forces de sécurité sont de longue date montrées du doigt par les défenseurs des droits pour leur usage excessif de la force et l'impunité dont elles bénéficient de la part des autorités.
La junte qui a renversé le président Alpha Condé le 5 septembre 2021 a promis de rompre avec le passé. La mort de Thierno Mamadou Diallo met à l'épreuve cet engagement. Elle est l'une des toutes premières dans un contexte de contestation depuis la prise du pouvoir par le colonel Mamady Doumbouya.
Thierno Mamadou Diallo, 19 ans, a été tué par balle le 1er juin lors de heurts entre forces de sécurité et manifestants. Le procureur général Alphonse Charles Wright, qui a promis de faire la lumière sur son décès, avait confirmé lundi les propos des proches selon lesquels il se trouvait dans une échoppe quand il a été atteint par un projectile alors que des coups de feu étaient tirés à l'extérieur au cours d'une manifestation spontanée contre la hausse du prix des carburants.
Il a indiqué mardi à l'AFP qu'un gendarme et quatre policiers membres des brigades anticriminalité avaient été interpellés. "Ils sont tous en garde à vue sur mon instruction", a-t-il ajouté. Auparavant, il avait assuré devant des journalistes en présence de la famille qu'il venait de recevoir que "la justice à travers une enquête transparente [était] en train de faire son travail".
Lundi, le magistrat avait annoncé l'ouverture d'un enquête pour homicide volontaire et avait ordonné que lui soient communiqués sous trois jours les noms de tous les policiers sur le terrain le jour de la mort.
Des dizaines de Guinéens ont été tués entre 2019 et 2021 lors de manifestations contre un troisième mandat du président Condé, par balle dans la très grande majorité. Quasiment aucun policier ou gendarme n'a eu à rendre des comptes.
Un collectif qui avait orchestré la mobilisation contre M. Condé avait appelé à une marche à l'occasion des funérailles de Thierno Mamadou Diallo, initialement prévues lundi. De tels rassemblements ont dégénéré par le passé.
La famille avait décidé de reporter les obsèques. Elle a indiqué mardi qu'elle inhumerait le disparu dans l'intimité dans un cimetière de la banlieue de Conakry. "Nous ne voulons aucune récupération politique de part et d'autre", a dit un membre de la famille, Hamidou Diallo.