Dans les rues de la capitale Pretoria et Johannesburg, les files de voitures et le bourdonnement familier des débuts de journée ont laissé place à un calme tendu inhabituel. De nombreux commerces ont laissé le rideau baissé, certains ont vidé leurs vitrines.
Le parti des Combattants pour la liberté économique (EFF) mené par le trublion au béret rouge, Julius Malema, a exhorté les Sud-Africains à une journée "pacifique" de grève générale et de manifestations pour exiger la démission du président Cyril Ramaphosa, jugé incapable de remédier au chômage endémique (32,9%), une pauvreté grandissante et une grave crise de l'électricité qui ronge le quotidien.
"Personne ne peut arrêter une révolution", a menacé M. Malema la semaine dernière devant ses partisans. La police a été déployée à travers le pays, près de 3.500 soldats mobilisés. Des sociétés de sécurité privées, nombreuses dans le pays où le taux de criminalité est parmi les plus élevés au monde, ont été appelées en renfort.
Le siège du gouvernement à Pretoria est protégé par un important dispositif, a constaté un journaliste de l'AFP. En milieu de matinée, des bus avaient déjà déversé quelque 2.000 manifestants vêtus de rouge, couleur des EFF, dans le quartier administratif. "Nous en avons assez des délestages", a expliqué Gift Boquopane, 42 ans, manifestant membre des EFF. Evoquant aussi la pénurie d'emploi et la hausse constante du coût de la vie, il estime que le gouvernement "ne fait rien pour nous".
87 arrestations
Un an avant les élections générales de 2024, Cyril Ramaphosa fait face à un mécontentement grandissant. Depuis des mois, des coupures d'électricité privent 60 millions de Sud-Africains de courant jusqu'à près de 12 heures par jour. La première puissance industrielle du continent est incapable de produire suffisamment. L'entreprise publique Eskom, noyée par les dettes et des années de mauvaise gestion et de corruption, lutte avec des centrales vétustes et mal entretenues.
"Personne ne doit être forcé, menacé ou faire l'objet d'intimidation pour se joindre à cette manifestation", a souligné le président Ramaphosa dans sa lettre hebdomadaire à la nation. Il a donné la semaine dernière pour consigne aux forces de l'ordre d'éviter de nouvelles émeutes. "Tant que les manifestants resteront pacifiques, nous n'auront aucune raison d'interférer avec eux", a déclaré aux journalistes le ministre de la police, Bheki Cele, à Johannesburg.
Au cours de la nuit, déjà 87 personnes ont été arrêtées pour des violences. Les craintes de débordements sont "sans fondement", a déclaré à l'AFP un porte-parole des EFF, dénonçant une tentative d'intimidation des autorités par un dispositif de sécurité excessif.
En juillet 2021, les pires violences dans le pays depuis la fin de l'apartheid et des pillages ont fait plus de 350 morts. Déclenchées par l'incarcération de l'ancien président Jacob Zuma, condamné pour outrage à la justice, les violences étaient également le signe d'un climat social et économique tendu.
M. Ramaphosa a été reconduit en décembre à la présidence du parti au pouvoir, le Congrès national africain (ANC), après avoir échappé à une procédure de destitution après le vol de mystérieuses sommes d'argent en liquide dans l'une de ses propriétés. Il est assuré d'un second mandat à la tête du pays en cas de victoire du parti dans les urnes en 2024.
Un tribunal de Johannesburg a interdit samedi aux membres des EFF de bloquer écoles, magasins et commerces, après un recours du premier parti d'opposition, l'Alliance démocratique (DA), pour interdire l'appel au blocus.