"Il faut laisser les enquêtes suivre leur cours", déclarait lundi soir lors de son habituel briefing le ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement, Patrick Muyaya, affichant son souci du respect de la séparation des pouvoirs. Il répondait à une question sur l'arrestation manu militari six jours auparavant à l'aéroport de Kinshasa de Salomon Kalonda, un proche conseiller du chef de parti et riche homme d'affaires Moïse Katumbi, parmi les candidats déclarés de l'opposition à la présidentielle.
En principe très discret, le service des renseignements militaires a tenu lundi un point de presse pour exposer les raisons de l'arrestation du conseiller. Il lui est notamment reproché d'avoir été en contact avec les rebelles du M23 et leur parrain supposé, le Rwanda, "pour renverser le pouvoir". Plus ponctuellement, il est accusé d'avoir détenu une arme à feu le 20 mai lors d'une manifestation de l'opposition et d'avoir "des militaires dans sa garde sans autorisation".
Des griefs rejetés en bloc par son entourage: "un tissu de mensonges cousus de fil blanc", ont commenté mardi devant les journalistes à Lubumbashi (sud-est) Dieudonné Bolengetenge et Christian Mwando, respectivement secrétaire général et haut cadre du parti de M. Katumbi, Ensemble pour la République. Le porte-parole du gouvernement ne s'est pas étendu sur ces accusations, mais il a lancé à l'attention de Moïse Katumbi une pique déjà formulée la semaine dernière dans une interview. "Sur France 24, j'ai relevé que l'un des candidats, celui d'Ensemble, n'a pas clairement cité le Rwanda depuis le début de la crise", a-t-il rappelé.
Le M23, mouvement majoritairement tutsi, a repris les armes fin 2021 et s'est emparé de vastes pans de territoire de la province du Nord-Kivu, dans l'est de la RDC frontalier du Rwanda et de l'Ouganda. Depuis le début, Kinshasa accuse le Rwanda d'armer cette rébellion et de combattre à ses côtés, ce qu'ont corroboré des experts de l'ONU bien que Kigali s'en défende.
"Trahison", "complot"...
Selon le renseignement militaire, Salomon Kalonda sera poursuivi pour "incitation des militaires à commettre des actes contraires au devoir et à la discipline, détention illégale d'arme et de munitions de guerre, atteinte à la sûreté intérieure de l'Etat". Ces chefs ont été retenus, tout ou partie, contre plusieurs autres personnes arrêtées ces derniers mois.
Fortunat Biselele, ex-conseiller privé du président Félix Tshisekedi, a par exemple été arrêté en janvier pour "trahison" ou encore "intelligence avec le Rwanda". Interpellé début mars et accusé lui aussi d'intelligence avec le M23, le député Edouard Mwangachuchu, élu de Masisi (Nord-Kivu) et propriétaire d'une société minière stratégique, est détenu depuis lors et jugé par une cour militaire à Kinshasa.
Avant eux, le lieutenant-général Philémon Yav, chargé de la conduite des opérations militaires contre le M23 dans le Nord-Kivu, a été arrêté mi-juillet 2022 sur des soupçons de "haute trahison". L'ex-conseiller spécial de Félix Tshisekedi chargé de la sécurité, François Beya, avait quant à lui été arrêté en février 2022. Son procès, notamment pour "complot", avait débuté au mois de juin suivant mais la justice militaire lui a accordé la liberté provisoire pour raisons de santé.
En plus du conflit dans l'Est, en proie aux violences de groupes armés depuis près de 30 ans, la RDC connaît depuis l'année dernière des violences communautaires dans sa partie ouest, tout près de la capitale, où les autorités soupçonnent une "main noire" d'être à l'oeuvre.
Lors d'un voyage en Chine, fin mai, le président Tshisekedi, parlant à la communauté congolaise, a accusé l'opposition de vouloir créer des tensions pour perturber les élections et soupçonné cet "horrible voisin" qu'est le Rwanda de ne pas être étranger aux violences aux portes de Kinshasa.
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