A son arrivée au pouvoir début 2019, il a commencé à faire la tournée des capitales en espérant attirer des investisseurs. C'est lors d'un voyage à Berlin qu'il a promis de transformer la République démocratique du Congo, riche en minerais mais à la population pauvre, en une puissance industrielle. Cinq ans plus tard, il peut se prévaloir d'une croissance estimée par la Banque mondiale à 6,8% pour 2023.
"Tout indique qu'il y a eu un progrès considérable", déclarait cette semaine à la presse le ministre des Finances, Nicolas Kazadi. Les réserves en devises sont passées d'environ 1 milliard de dollars en 2019 à près de 5 milliards, a-t-il dit. Le budget annuel atteindra cette année environ 16 milliards de dollars, contre 5,7 milliards en 2019, a expliqué le ministre, principalement grâce au secteur minier.
Le pays est le premier producteur de cuivre d'Afrique et le plus grand producteur mondial de cobalt, un composant clé des batteries utilisées dans l'électronique et les véhicules électriques. Mais les richesses ne profitent pas à la majorité de la population. La plupart des Congolais travaillent dans l'informel et, selon la Banque mondiale, environ les deux tiers des quelque 100 millions d'habitants vivent sous le seuil de pauvreté, fixé à 2,15 dollars par jour.
Les statistiques fiables sont rares en RDC, mais le chômage est un des sujets prégnants de la campagne électorale, tant pour l'opposition que pour le président sortant, qui promet de créer 6,4 millions d'emplois. "Faites-moi confiance et vous serez satisfaits", a-t-il déclaré lors d'un déplacement dans la province orientale du Maniema.
Corruption
Evoquant l'augmentation du budget de l'Etat, Albert Zeufack, directeur pays de la Banque mondiale, estimait récemment que le gouvernement avait fait "des progrès extraordinaires s'agissant de la mobilisation des ressources". Mais il constatait aussi que la croissance tirée par l'exploitation minière ne générait pas le grand nombre d'emplois nécessaire pour réduire la pauvreté.
Depuis son arrivée au pouvoir, Félix Tshisekedi affirme vouloir diversifier l'économie, en promettant par exemple de construire une usine de batteries utilisant les minerais extraits localement. Mais ce projet met du temps à démarrer et des experts le considèrent même comme chimérique, dans un pays où les coupures d'électricité sont fréquentes et l'expertise insuffisante.
Certains estiment même que la croissance n'existe pour l'instant que sur le papier. "Il y a certes une croissance économique mais elle ne répond pas aux besoins", juge Albert Malukisa, professeur d'économie à l'Université catholique du Congo.
Selon lui, l'économie a de graves problèmes, du manque d'infrastructures au chômage en passant par l'inflation endémiques. Mais le principal selon lui, c'est la corruption, qui dissuade les investisseurs sérieux. "C'est la conduite et les comportements de la classe politique qu'il faut d'abord changer pour que les choses marchent mieux", dit-il.
"Je perds de l'argent"
La RDC se classe au 166e rang sur 180 dans l'indice de perception de la corruption de Transparency International. Des efforts ont été faits, mais les détournements restent la norme, selon M. Malukisa, qui cite les cas récurrents de fonctionnaires impayés. Des dizaines d'anciens membres de cabinets ministériels ont manifesté début novembre à Kinshasa pour réclamer leurs indemnités de départ. "Ils détournent l'argent", accusait l'un d'eux, en brandissant une pancarte devant un ministère.
L'inflation a atteint 22% sur un an en octobre, selon le Fonds monétaire international, rendant la vie encore plus difficile. Le phénomène est en partie dû à l'inflation mondiale, liée à la guerre en Ukraine. Mais la mauvaise gestion des dépenses publiques a également conduit à une dépréciation du franc congolais par rapport au dollar, selon plusieurs experts.
Nana Luka, vendeuse de bananes à Kinshasa, dit qu'elle ne s'en sort pas, à cause des prix de gros qui ont flambé. "Je perds de l'argent parce que le dollar est en hausse", explique-t-elle.
Les candidats de l'opposition ne manquent pas de mettre en avant la dépréciation de la monnaie comme preuve de l'échec du gouvernement, et Félix Tshisekedi a été pris à partie sur le sujet lors de rassemblements. "C'est un défi que nous avons" à relever, a déclaré le ministre des Finances, qui s'est engagé à résoudre le problème.
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