Une double explosion a eu lieu mercredi près de la tombe du général Qassem Soleimani, l'architecte des opérations militaires iraniennes au Moyen-Orient, au moment où l'Iran marquait le quatrième anniversaire de sa mort, a rapporté un média d'Etat, évoquant une "attaque terroriste" qui n'a pas été revendiquée jusqu'ici.
Accusant les "ennemis diaboliques et criminels" de l'Iran, le guide suprême de la Révolution islamique, l'ayatollah Ali Khamenei, a réagi en promettant "une réponse sévère" à ce "désastre". "La responsabilité de ce crime incombe aux régimes américain et sioniste, et le terrorisme n'est qu'un outil", a affirmé Mohammad Jamshidi, un conseiller politique du président iranien.
Le Hamas a de son côté fustigé un "acte terroriste (...) qui cherche à déstabiliser la sécurité de la République islamique au service de l'agenda de l'entité sioniste (Israël)". Un autre haut responsable américain, sous couvert de l'anonymat, a lui estimé que cela ressemblait à "une attaque terroriste, le genre de chose que l'EI a fait dans le passé".
Mardi, c'est au cœur d'un fief du Hezbollah libanais soutenu par l'Iran, dans la banlieue de Beyrouth, que Saleh al-Arouri, 57 ans, numéro deux politique du Hamas et l'un des fondateurs de la branche armée du mouvement islamiste palestinien, a été tué par une frappe aérienne Cette frappe, attribuée par le Hamas et le Hezbollah à Israël, n'a pas été revendiquée jusqu'à présent mais un responsable américain requérant l'anonymat a indiqué qu'elle était bien "israélienne".
" Sans limites"
Israël a juré de "détruire" le Hamas après l'attaque sans précédent menée par le mouvement islamiste palestinien le 7 octobre sur son sol, qui a fait environ 1.140 morts en Israël, pour la plupart des civils, selon un décompte de l'AFP à partir de données officielles israéliennes. Des commandos avaient aussi pris en otage environ 250 personnes, dont plus de 100 avaient été libérés fin novembre lors d'une trêve d'une semaine.
La guerre qui dure à Gaza depuis cette attaque a coûté la vie à 22.313 personnes, majoritairement des femmes, des adolescents et des enfants, selon le dernier bilan du Hamas, mouvement classé organisation terroriste par les Etats-Unis, Israël et l'Union européenne. Et depuis le début de ce conflit, les tensions se multiplient aussi à la frontière israélo-libanaise, en Syrie et en Irak, où des bases américaines sont prises pour cible, et en mer Rouge, où les rebelles Houthis du Yémen mènent des attaques pour freiner le trafic maritime.
D'ailleurs, dix-huit compagnies de transport maritime contournent actuellement le continent africain pour éviter la mer Rouge, a indiqué à l'ONU le chef de l'Organisation maritime internationale (OMI). Et une coalition menée par les Etats-Unis a exhorté mercredi les Houthis à cesser "immédiatement leurs attaques illégales" faut de quoi ils en assumeront les "conséquences".
Au Liban, le chef du Hezbollah Hassan Nasrallah a réagi mercredi soir à la mort de Saleh al-Arouri et mis en garde Israël contre une nouvelle escalade: "Pour le moment, nous combattons sur le front de façon calculée (...) mais si l'ennemi pense lancer une guerre contre le Liban, nous combattrons sans limites".
"Sur tous les fronts"
Interrogé lors de son point presse sur l'attentat qui a eu lieu en Iran, le porte-parole de l'armée israélienne Daniel Hagari a répété mercredi soir que l'armée israélienne était "prête sur tous les fronts": "Je ne parlerai pas de ce que vous avez évoqué mais je vais juste dire que nous sommes concentrés sur les combats contre le Hamas, (...) mais nous avons depuis le début de la guerre des défis aussi au nord (d’Israël), où le Hezbollah continue d’attaquer, notamment aujourd’hui, dans la mer Rouge et en Syrie".
Aux Etats-Unis, principal allié d'Israël, le département d'Etat a jugé "absurde" que certains puissent se demander si Israël ou les Etats-Unis étaient liés à l'attentat commis mercredi en Iran, et jugé qu'il n'était "dans l'intérêt de personne" que le conflit entre Israël et le Hamas ne "s'envenime davantage".
Pour l'analyste Maha Yahya, directrice du Carnegie Middle East Center basé à Beyrouth, "le risque d'escalade est important, mais le Hezbollah s'efforce d'éviter d'être entraîné dans un conflit", a-t-elle dit à l'AFP.
"Pourquoi pleurez-vous?"
Saleh al-Arouri, chef en exil du Hamas pour la Cisjordanie occupée, est le plus haut responsable du Hamas tué depuis le 7 octobre. Peu après l'annonce de sa mort, de nombreux Palestiniens se sont rassemblés dans les rues de Ramallah, en Cisjordanie occupée. "La nouvelle du martyre de (Saleh al-Arouri) est très difficile pour nous, mais il ne vaut pas plus que ceux qui sont morts en martyrs à Gaza et sont plus de 20.000", a dit à l'AFP Diya Zaloum, un jeune manifestant.
Mercredi, les villes de Naplouse et Ramallah ont largement répondu à l'appel de l'Autorité palestinienne à observer une grève générale. A Arura, la ville de 5.000 habitants dont le numéro deux du Hamas était originaire en Cisjordanie occupée, de nombreux habitants ont présenté leurs condoléances à sa famille. Sa mère, Aïsha al-Arouri, 81 ans, serre contre elle un portrait de son fils, un cliché montrant un Saleh al-Arouri plus jeune, avec une barbe et une chevelure noire fournies.
Quand des femmes en larmes sont lui ont annoncé sa mort, elle leur a demandé "+Pourquoi pleurez-vous? Ne pleurez pas, apportez des gâteaux et distribuez-les aux gens+", raconte-t-elle à l'AFP. Au Proche-Orient, il est habituel de distribuer des sucreries pour fêter un événement heureux. "Il voulait le martyre, et il l'a obtenu".
"Trois longs mois"
Dans la bande de Gaza elle-même, l'armée israélienne a poursuivi ses opérations et ses bombardements mercredi, notamment à Khan Younès, où le ministère de la Santé du Hamas a fait état de "nombreux" morts. Les 2,4 millions d'habitants du territoire sont confrontés en outre à de graves pénuries de nourriture, d'eau, de carburant et de médicaments. Malgré une résolution de l'ONU, l'aide humanitaire entre au compte-gouttes.
Ihab Mokheimar, 35 ans, attend à Rafah de pouvoir franchir la frontière vers l'Egypte avec sa famille. "Ma famille et moi attendons depuis un mois au point de passage, dans le froid, sans nourriture ni eau (...) Tous ceux qui partent ont payé, mais nous n'avons pas d'argent, ma maison a été détruite", se lamente-t-il.
"Gaza: trois longs mois d'une guerre brutale: déplacements de population massifs, morts et blessés en masse, destructions massives", a dénoncé sur X (ex-Twitter) Philippe Lazzarini, patron de l'agence d'aide aux réfugiés palestiniens de l'ONU (Unrwa).
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