Mansoor Al-Kadriyar était chez lui en famille dans la banlieue d'Abuja, la capitale du Nigeria, lorsque des agresseurs ont forcé la porte le soir du 2 janvier, avant d'abattre son frère et d'enlever ses cinq filles et une de leurs cousines. Le cauchemar a pris une nouvelle tournure lorsque le père a appris que l'une de ses filles avait été tuée faute d'avoir pu payer la rançon.
Ce tragique fait divers a provoqué émotion et indignation au Nigeria, pays le plus peuplé du continent avec plus de 218 millions d'habitants, où les enlèvements contre rançon constituent un problème majeur. Les bandes criminelles sévissent sur les autoroutes, s'attaquent aux appartements et même aux élèves dans les écoles. A son arrivée au pouvoir en mai 2023, le président Bola Ahmed Tinubu s'était engagé à "ne pas perdre la bataille contre l'insécurité".
Après l'enlèvement des jeunes filles de la famille Al-Kadriyar, il a bien été contraint de reconnaître dans un communiqué le 16 janvier la "récente vague d'enlèvements et d'attaques de bandits" qui frappe le pays, y compris la capitale fédérale autrefois réputée sûre. La Première dame, Oluremi Tinubu, a aussi fait part de son inquiétude sur X le 15 janvier et "imploré" les forces de l'ordre "d'intensifier leurs efforts" pour lutter contre l'insécurité.
Hommes politiques et médias se sont interrogés sur la stratégie du gouvernement après l'augmentation des attaques à Abuja, pourtant bien gardée par la police et l'armée. Le quotidien Vanguard est allé jusqu'à déclarer qu'Abuja était "en état de siège" et que les kidnappings y étaient "quotidiens".
Opération de sauvetage
Le 2 janvier vers 21H, des hommes armés ont fait irruption au domicile de la famille Al-Kadriyar à Bwari, à 25 km du centre-ville d'Abuja, a expliqué à l'AFP une cousine, Asiya Adamu, 23 ans. Selon elle, ils ont exigé de l'argent mais le père, Mansoor, n'avait rien à leur donner.
Les assaillants ont alors ligoté et frappé les cinq sœurs et l'une de leurs cousines, avant de les emmener et d'abattre le frère de Mansoor qui tentait de leur venir en aide. Plusieurs policiers ont aussi été tués dans un échange de tirs, selon Asiya Adamu.
Les assaillants ont donné à Mansoor plusieurs jours pour verser une importante rançon, mais la famille, modeste, n'a pas pu respecter le délai. Les bandits ont alors tué l'une des sœurs, Nabeeha, 21 ans, puis ils ont rendu son corps et augmenté le montant de la rançon, a indiqué à l'AFP Mme Adamu. Elle a décrit Nabeeha comme "intelligente, douce et gentille", précisant qu'elle venait de terminer l'université et qu'elle attendait avec impatience son diplôme. "Personne ne mérite cela", a-t-elle déploré.
La famille a réuni la somme demandée grâce à une campagne de collecte en ligne et à l'aide d'un ex-ministre, Isa Ali Ibrahim, mais les négociations avec les ravisseurs sont toujours en cours.
Selon Mme Adamu, la plus jeune des sœurs a 14 ans. Son témoignage a été confirmé par des hommes politiques et la police a reconnu "l'enlèvement de six jeunes filles" et déclaré à l'AFP qu'une opération de sauvetage était en cours, sans plus de détails pour des raisons de sécurité.
"Rester discrets"
Le cabinet de conseil nigérian SBM Intelligence a déclaré à l'AFP avoir recensé 283 personnes enlevées dans le seul territoire de la capitale fédérale au cours de l'année écoulée. Les enlèvements sont devenus un problème majeur au Nigeria dans les années 2000. Mais des experts estiment que la crise économique est à l'origine d'une hausse des cas, certains Nigérians se tournant vers la criminalité pour gagner de l'argent.
Selon Confidence MacHarry, analyste à la SBM, l'insécurité autour de la capitale augmente depuis des années. Selon lui, l'attaque d'une prison dans la banlieue d'Abuja en 2022 a notamment marqué les esprits. Des hommes armés avaient bombardé la prison de Kuje et libéré des centaines de détenus lors de ce raid revendiqué par des jihadistes alliés au groupe État islamique.
Pour Confidence MacHarry, les coups de filets occasionnels contre les criminels dans les villes satellites d'Abuja ne fonctionnent pas. "Tout ce que les criminels ont à faire, c'est de rester discrets et de gagner du temps". L'enlèvement de 276 écolières de Chibok, dans le nord-est du pays, par les jihadistes de Boko Haram avait fait la une des journaux du monde entier en 2014, mais les enlèvements quotidiens attirent rarement l'attention.
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