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L'interdiction du plastique à usage unique à Lagos, un défi pour l'économie


Vue générale d'un canal bouché rempli de polystyrène et de plastique à usage unique à Obalende à Lagos, Nigeria, le 23 janvier 2024.
Vue générale d'un canal bouché rempli de polystyrène et de plastique à usage unique à Obalende à Lagos, Nigeria, le 23 janvier 2024.

La mesure d''interdire du plastique à usage unique dans la ville de Lagos suscite à la fois enthousiasme et inquiétude. En effet, si la mesure constitue une victoire pour l'environnement, elle soulève des craintes pour l'économie.

Des trottoirs jonchés de déchets aux vendeurs de rue emballant leurs plats dans des contenants en polystyrène, les déchets plastiques font partie intégrante du paysage urbain de Lagos, la capitale économique du Nigeria et la ville la plus peuplée du continent. Une image qui pourrait bientôt changer alors que le gouvernement local vient d'interdire l'utilisation du polystyrène et du plastique à usage unique.

L'annonce de l'interdiction, "avec effet immédiat", a été faite dimanche soir par Tokunbo Wahab, le commissaire à l'environnement de l'Etat de Lagos, sur son compte X. Elle a pris par surprise de nombreux Lagotiens qui vivent du secteur informel et suscite des interrogations sur sa mise en oeuvre, y compris parmi les défenseurs de l'environnement.

"C'est trop soudain", explique à l'AFP Kehinde Bakare, 61 ans, vendeuse de boîtes en polystyrène. "Le gouvernement doit nous laisser du temps: comment vont faire les gens qui vivent de ça ?", questionne celle qui demande que leur soit proposés des "substituts".

Plan d'action

La chaîne de fast-food nigériane Food Concepts, connue pour ses restaurants populaires Chicken Republic, PieXpress et The Chopbox, a "applaudi" la mesure, déclarant dans un communiqué lundi "commencer sa transition" pour mettre fin aux boîtes en polystyrène et encourageant ses clients "à venir avec leurs propres contenants".

L'interdiction du plastique à usage unique, qui prend effet immédiatement, vise notamment les boîtes en polystyrène et les sacs plastiques. Elle est une victoire pour les défenseurs de l'environnement, qui dénoncent depuis des années la pollution plastique dans la ville.

La pollution plastique est un problème majeur à Lagos, la capitale économique du Nigeria. La ville est jonchée de déchets plastiques, qui finissent dans les rues, les égouts, les rivières et les océans. Ces déchets peuvent avoir des conséquences néfastes sur l'environnement, la santé humaine et l'économie.

L'interdiction du plastique à usage unique est une mesure importante pour lutter contre cette pollution. Elle permettra de réduire la quantité de plastique produite et rejetée dans l'environnement.

La pollution plastique peut également avoir des conséquences sanitaires, notamment des troubles du développement, des maladies infectieuses et des cancers. Les déchets plastiques peuvent polluer les sols, les eaux et l'air. Ils peuvent également nuire à la faune et la flore. Enfin, la pollution plastique peut avoir des conséquences économiques, notamment en réduisant la valeur des biens et services et en augmentant les coûts de nettoyage.

Folawemi Umunna, cofondatrice de l'ONG Initiative pour la protection climatique et écologique, juge la décision d'éliminer les matériaux non-biodégradables positive si l'État de Lagos gère correctement son plan d'action. "Il s'agit d'une excellente nouvelle pour l'environnement à différents niveaux et, si cette mesure est mise en œuvre de manière efficace, elle permettra de réduire considérablement les émissions de tonnes de CO2 dans l'État de Lagos", a-t-elle indiqué à l'AFP lundi.

Cependant, l'interdiction pose également des problèmes économiques. De nombreux vendeurs de rue et collecteurs de déchets dépendent de l'utilisation du plastique. Ils craignent que l'interdiction ne les prive de leurs moyens de subsistance.

"Les boîtes en polystyrène sont moins chères que celles en plastique réutilisable", explique à l'AFP Cecilia Mathew, 20 ans, qui vend des plats à base de riz, de viande et de gari, de la farine de manioc, dans les rues du quartier populaire d'Obalende à Lagos.

"On ne va quand même pas mettre la nourriture dans des sacs", abonde Funmilayo Oresanya, 43 ans, elle aussi vendeuse de nourriture de rue, une "Mama Put" comme on les appelle en argot local.

Le gouvernement de Lagos a annoncé qu'il mettra en place des mesures pour soutenir les personnes qui risquent d'être les plus touchées par l'interdiction. Ces mesures pourraient inclure des subventions pour aider les vendeurs de rue à s'équiper de nouveaux emballages réutilisables, ou des formations pour les collecteurs de déchets.

"Conséquences socio-économiques"

Les microparticules plastiques "sont ingérées par les animaux et peuvent se retrouver chez les êtres humains", explique à l'AFP Temitope Olawunmi Sogbanmu, eco-toxicologue à l'Université de Lagos, qui insiste sur le caractère "non dégradable" de ces matériaux.

Mais si l'interdiction du polystyrène et du plastique à usage unique est une "bonne nouvelle", estime la scientifique, elle craint néanmoins "les conséquences socio-économiques" de cette mesure sur "ceux dont les revenus dépendent de cette chaîne de valeur".

Vendeurs de nourriture mais aussi d'eau en sachets plastique, collecteurs de déchets, nombreux sont ceux qui dépendent de cette économie informelle dans un pays qui subit une profonde crise économique avec un triplement des prix du carburant depuis l'arrivée au pouvoir en mai du président Bola Ahmed Tinubu et une inflation à près de 29% en décembre sur les douze derniers mois.

"De nombreuses personnes vont être appauvries, cela deviendra encore plus difficile de se procurer l'essentiel", estime Mme Sogbanmu qui préconise la mise en place "d'interventions stratégiques surtout pour les gens les plus pauvres afin qu'ils survivent et ne se tournent pas vers des solutions illégales". Mais si l'urgence environnementale fait l'unanimité, la mise en œuvre concrète de la mesure éveille quelques scepticismes.

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Des mesures d'accompagnement

"Le gouvernement doit demander aux gens ce qu'ils veulent et comment il peut les soutenir", consent pour sa part Oluwaseyi Moejho, militante écologiste, "enthousiasmée" par la mesure du gouvernement de Lagos. "Il existait autrefois un Nigeria sans plastique, nous pouvons le faire à nouveau", s'emballe la militante. "Je reconnais que l'utilisation du plastique est pratique mais si c'est au détriment de notre santé et de notre futur, c'est trop cher payé", ajoute-t-elle.

En 2019, les députés nigérians avaient voté une loi interdisant les sacs plastiques mais elle est restée lettre morte faute d'être allée au terme de son parcours législatif.

Dans la mégapole de plus de 20 millions d'habitants, la question de la gestion des déchets est centrale alors que les détritus bouchent régulièrement les égouts et les conduites d'évacuation, notamment pendant la saison des pluies, causant inondations et favorisant la prolifération des moustiques, vecteurs du paludisme, dans les eaux stagnantes.

Le Nigeria est "le second importateur de plastiques d'Afrique", selon la fondation allemande Heinrich-Böll, soit "17% de la consommation plastique du continent" et "plus de 130.000 tonnes de plastique finissent dans les eaux nigérianes chaque année". "Si rien n'est fait, les importations et la consommation de plastiques dépasseront 40 millions de tonnes d'ici 2030", s'alarmait-elle dans un rapport de 2020.

Il est important que le gouvernement de Lagos mette en place des mesures pour soutenir les personnes qui risquent d'être les plus touchées par l'interdiction. Il est essentiel que ces mesures soient mises en place rapidement et efficacement, afin de minimiser les impacts négatifs de l'interdiction sur l'économie locale.

L'interdiction du plastique à usage unique est une étape importante dans la lutte contre la pollution plastique à Lagos. Mais elle doit être accompagnée de mesures pour soutenir les personnes qui risquent d'être les plus touchées par cette mesure.

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