Après la prise de parole du président Macky Sall jeudi soir, la balle est dans le camp des acteurs politiques et sociaux, dont les candidats et la société civile. A eux de dire s'ils acceptent de suspendre la date à un dialogue que M. Sall a dit vouloir mener lundi et mardi, avec l'espoir de s'entendre mardi soir.
"On l'attendait (le président)" sur cette date, "tout le reste, c'est du dilatoire", a déclaré à l'AFP Aar Sunu Election ("Préservons notre élection"). Le dialogue prévu par le président Sall "n'a pas de sens", a-t-il ajouté.
Nombre de ces acteurs ont pris le temps de digérer les propos du chef de l'Etat, soumis à de multiples pressions nationales et internationales pour organiser le plus vite possible cette élection dont il a décrété le report le 3 février, au prix de l'une des plus graves crises traversées par son pays depuis des décennies. Les Sénégalais étaient censés se rendre aux urnes ce dimanche.
Le report, dénoncé comme un "coup d'Etat constitutionnel" par l'opposition, a provoqué une commotion dans l'opinion et des manifestations qui ont fait quatre morts. Le Conseil constitutionnel a finalement déjugé M. Sall et l'Assemblée nationale.
Après ce veto constitutionnel, et malgré une aspiration partagée à la clarification dans un électorat largement attaché à l'exercice démocratique et au respect du calendrier, le président Sall a non seulement laissé la date en suspens, mais jugé plus probable que les Sénégalais ne voteraient pas avant l'expiration officielle de son mandat le 2 avril.
M. Sall, au pouvoir depuis 2012, a répondu à une préoccupation répandue et dissipé le doute sur le fait qu'il quitterait bien son poste le 2 avril, à la fin de son deuxième mandat.
Lui qui avait justifié le report par la crainte de contestation pré et post-électorales et de violences comme le pays en a connu en mars 2021 et juin 2023, a insisté sur sa volonté d'apaisement et de réconciliation. "Le 2 avril, ma mission se termine à la tête du Sénégal", a-t-il dit, piqué au vif par le fait que son attachement aux principes démocratiques ait fait l'objet de "procès d'intention", dans son pays comme à l'étranger.
Mais pour la date, il aura des discussions lundi et mardi, d'abord avec les candidats, puis avec les autres acteurs politiques et sociaux. Il écoutera "ce que le dialogue dira" et "si un consensus peut être obtenu sur la suite". A défaut d'accord, il appartiendra au Conseil constitutionnel de trancher, a-t-il dit.
Patate et pilule
"Le président rassure le pays", a titré le quotidien gouvernemental le Soleil. Au contraire, il "refile les patates chaudes au dialogue", affichait le journal Vox Populi. "Notre position, c'est (avant) le 2 avril, sinon c'est la crise", a dit Malick Diop pour Aar Sunu Election. Le collectif redoute la situation exceptionnelle de vacance dans laquelle s'organiserait l'élection.
Aar Sunu Election, qui a mobilisé plusieurs milliers de personnes le week-end dernier à Dakar, maintient ses actions, dont un nouveau rassemblement samedi à Dakar et une journée ville morte mardi. Un autre collectif, de 16 candidats à la présidentielle, s'exprimera vers 11H00 (locales et GMT). Son coordinateur Cheikh Youm a indiqué que les candidats s'étaient concertés depuis jeudi soir, sans rien dire sur le résultat.
L'un des rares à s'exprimer, Thierno Alassane Sall, a accusé le président de nouvelle manoeuvre. M. Sall va sélectionner pour son dialogue des participants divisés, a-t-il dit sur les réseaux sociaux. Puis il prétextera de l'absence de consensus "pour réintroduire et exclure qui bon lui semble" de la liste des candidats "et rester jusqu’à la passation de pouvoir" au-delà du 2 avril, a-t-il poursuivi. "Pour faire passer la pilule, Macky Sall nous offre une amnistie", ajoute-t-il.
Le président a envisagé la possibilité de libérations provisoires, de grâces ou d'une loi d'amnistie, dont pourraient bénéficier, entre autres, Ousmane Sonko et Bassirou Diomaye Faye.
Ousmane Sonko, personnage principal d'un bras de fer avec l'Etat qui a donné lieu à plusieurs épisodes de contestation meurtrière depuis 2021, est emprisonné depuis juillet 2023 et a été disqualifié de la présidentielle. Mais la candidature de son second, Bassirou Diomaye Faye, détenu lui aussi, a été validée par le Conseil constitutionnel.
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