Avec la cherté de la vie et le manque d’emploi décent, la prostitution a pris de l’ampleur dans les principales villes du Bénin. Les zones réputées pour être les endroits fréquentés par les prostituées sont de véritables lieux de non droit. Cela déjà un an que Nelly ne fait plus le trottoir, certaines de ses amies y sont toujours. « Il y a trop de situation dans la vie. Certaines font toujours le métier en raison de la précarité. Elles n’ont pas le choix car toute la survie de leur famille repose sur elles. Mais pour certaines, ce sont les mauvaises fréquentations », dit la jeune femme.
Des trottoirs, la prostitution étend ses tentacules sur les réseaux sociaux. Cette forme fait une telle expansion dans les universités que les enseignants s’en désolent.
« Nos jeunes sœurs n’ont plus besoin de se prostituer dans la rue. Elles partagent juste un lien et ceux qui sont intéressés cliquent et le tour est joué… Ce n’est pas une bonne chose, surtout par ces temps qui courent, où on parle de trafic d’êtres humains et autres. Je ne sais pas si c’est la situation économique de notre pays qui entraîne tout ça», affirme cet enseignant béninois.
Pour le pasteur Edgard Guidibi, ce n'est pas une question de précarité, il pense pour sa part que le Bénin est en panne des valeurs morales. Il estime que « la débauche, l’impudicité, le vulgaire s’est installé, s’est démocratisé, on ne s’en cache même plus. Et nos enfants, surtout si vous n’avez pas reçu la grâce de les éduquer comme il le faut, ils s’enlisent. Le scandale est devenu banal. »
Angela Kpedja est journaliste. Elle a souvent travaillé à sensibiliser les travailleuses de sexe sur les dangers qu’elles encourent dans les rues et dans le multi-partenariat sexuel. Pour elle, les causes de la prostitution sont bien plus profondes : « ce n’est pas une question de paresse ou d’ambitions démesurées. Parfois, ce sont des femmes battues, des femmes à qui on a promis monts et merveilles et qui se retrouvent aux mains de proxénètes. Est-ce que vous savez que dans notre pays, il y a des associations qui utilisent des filles comme des prostituées? C’est un drame social qui se joue», souligne la journaliste.
Mais le sociologue Armel Bètègbo insiste que de nombreuses filles sont devenues prostituées par cupidité. Pour lui, « l’incapacité des parents à prendre en charge correctement leurs enfants conduit certaines filles dans le cercle vicieux de la prostitution. »
Le sociologue pense que certaines femmes se prostituent « parce qu’elles aiment la facilité et ne veulent pas travailler pendant que d’autres bataillent dur pour réussir. »
Alain Orounla est le préfet du Littoral. Il soutient qu’il faut combattre la prostitution jusque dans ses derniers retranchements.
« L’ambition, c’est de décourager les réseaux de proxénétisme et ceci passe évidemment par l’hostilité vis-à-vis de ces travailleuses de sexe. Tous les lieux qui servent d’expansion de la chose selon automatique fermés dès qu’ils seront répertoriés», déclare le préfet Orounla. Lorsque les travailleuses du sexe sont présentées au procureur, elles font face à des chefs d’accusation d’atteinte à la pudeur, de racolage, de proxénétisme, de violence et voie de fait pour d’autres.
Mais tout le monde n’applaudit pas la répression du phénomène. Certains Béninois plaident pour un encadrement et non une interdiction : « On ne peut pas interdire ça. C’est de cette activité qu’elles vivent. En plus il y a certains hommes qui ne savent pas draguer et qui trouvent leur bonheur là-bas. …. On peut structurer, encadrer le secteur parce qu’avec ce qui se passe, on est en train d’aller à une vulgarisation de cette pratique. On a commencé par enfreindre une autre loi, à savoir, l’incitation à la débauche»,
Même si la prostitution reste un phénomène décrié par tous, elle n’est pas pour autant interdite au Bénin. En effet, les législateurs béninois ne la condamnent pas expressément. Ils estiment qu'il « y a un certain nombre de choses qui sont interdites comme par exemple la prostitution forcée, la prostitution d’enfants, le proxénétisme. Mais la prostitution en elle-même, la loi ne l’ayant pas interdite, tout ce qui n’est pas interdit est permis ou toléré. »
Pour lutter contre le travail du sexe au Bénin, une approche multidimensionnelle est nécessaire, impliquant des actions à différents niveaux. Il ne s’agit donc pas d'arrêter les travailleuses du sexe ou de les jeter en prison. L’État doit développer des politiques favorisant la création d’emplois décents et stables, notamment pour les jeunes filles et les femmes. Mais au-delà, il faut décourager les réseaux de proxénétisme et poursuivre les auteurs.
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