Chaque dimanche, ces jeunes de tous les horizons se rassemblent au "Stade 20.000 places" de Bangui pour s'entraîner et renouer des liens abîmés par la guerre et la violence qui frappent leur pays depuis des années.
"Ils ne s'occupent pas de savoir qui est de quelle ethnie, de quelle religion, de quel quartier, qui est enfant des rues, enfant défavorisé, enfant éduqué, handicapé, sorti des groupes armés", explique Marion, une Française résidant à Bangui, qui a rencontré Oussein en cherchant un club de capoeira, un art martial afro-brésilien.
Elle l'a accompagné dans le développement de l'association, créée en 2017 et dont l'histoire commence en République démocratique du Congo (RDC) dans le camp de réfugiés de Mole (nord), où des milliers de Centrafricains avaient trouvé refuge à partir de 2013.
Cette année-là, la Séléka, une rébellion à majorité musulmane venue du nord de la RCA, a pris le pouvoir à Bangui et depuis, les violences n'ont pratiquement plus cessé en Centrafrique placée sous la coupe des groupes armés.
A Mole, cinq Centrafricains, Vicky, Oussein, Mexent, Jephte, Vital, et deux Centrafricaines, Beliva et Nancy, découvrent la capoeira avec l'aide du Haut commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR) et du Fonds des Nations unies pour l'enfance (Unicef).
"Quand on a quitté la RCA, à cause de la guerre, on était tous traumatisés. Certains ont vu leurs parents tués. C'était un peu chaud dans le camp et le HCR a cherché des moyens d'adoucir les gens" en mettant en place des activités comme le football, "mais ça finissait souvent en bagarre", se souvient Oussein. "Alors, ils ont ramené la capoeira".
Vicky se rappelle lui que, dans le camp, "il y avait des jeunes avec une mauvaise mentalité, qui prenaient des drogues". Quand la capoeira a commencé, "ça a enlevé tous les mauvais esprits, moi-même ça m'a défoulé, ça m'a permis d'oublier ce qui s'était passé, ça nous a permis d'oublier nos traumatismes".
- "Capoeira pour la paix" -
Et puis, affirme Oussein, la pratique de cet art martial a permis d'améliorer les relations souvent tendues entre Congolais et réfugiés centrafricains, d'où l'idée de l'implanter à Bangui, pour aider à surmonter celles, également compliquées, entre chrétiens et musulmans.
"On s'est dit, OK, nos quartiers sont divisés, pourquoi ne pas créer" un club de capoeira "et réunir nos enfants?"
A leur retour à Bangui en 2016, Oussein et ses amis de Mole ont donc commencé à donner bénévolement des cours de capoeira dans leurs quartiers respectifs, en plus des rencontres dominicales au stade. Des entraînements ont également lieu à la fondation "Voix du coeur" qui s'occupe des enfants des rues.
La capoeira, c'est pour Oussein "beaucoup d'amour, de famille. On se retrouve dans un cocon". Mais c'est aussi une porte d'entrée vers l'éducation. La devise de l'association, scandée par les jeunes à la fin de l'entraînement, en témoigne: "capoeira pour la paix, la cohabitation, l'amour, le respect de l'autre et la maîtrise de soi".
Pour Marion, les participants "font plus que pratiquer un sport, ils souhaitent contribuer à pacifier les jeunes et les éduquer à des valeurs de solidarité, de non-violence et de tolérance".
Vicky n'oublie pas, lui, une autre particularité essentielle à ses yeux de la capoeira qui "vient de l'Afrique". Ce sont "les esclaves africains qui l'ont développée au Brésil, c'est une fierté pour moi de faire les choses de mes ancêtres. C'est notre culture".
En 2016, Oussein et Vicky s'étaient vu remettre leur diplôme de capoeira par Caroline de Hanovre, princesse de Monaco.
Ils aimeraient à leur tour pouvoir organiser à Bangui une cérémonie de "graduation" de la capoeira pour les 250 enfants de l'association qui manque cependant cruellement de moyens et recherche des soutiens.
Avec AFP